Talentéo, pour poursuivre sa série « Travailler avec un(e) collègue en situation de handicap », est parti à la rencontre de la Présidente-Fondatrice de l’AIRSS (Association pour l’Information et la Recherche sur le Syndrome SAPHO), Mlle Nathalie DE BENEDITTIS. Une interview où elle nous livre toutes les informations concernant le Syndrome SAPHO. 

Pouvez-vous nous décrire ce qu’est ce syndrome ?

Le Syndrome SAPHO (réunion d’initiales ou acronyme pour Synovite-Acné-Pustulose-Hyperostose-Ostéite) est une maladie auto-inflammatoire à composante génétique, qui touche les os, les articulations et la peau. Cette maladie peut être très douloureuse et invalidante.

Avec une prévalence nationale estimée approximativement à 1/10.000, le Syndrome SAPHO est une affection rare, répertoriée comme maladie orpheline. Le fréquent retard au diagnostic positif, habituellement lié à la méconnaissance du Syndrome et à la crainte d’un processus tumoral osseux, est une source majeure de déséquilibre physique, mais aussi moral, des personnes atteintes. Ces dernières rapportent très souvent un parcours particulièrement pénible et angoissant, avant que le diagnostic exact ne soit porté, jusqu’à 15 ans après les premiers symptômes. Différents arguments permettent de classer le Syndrome SAPHO dans le même groupe (« spondylarthropathies inflammatoires « ) que celui qui englobe la spondylarthrite ankylosante, même si ces deux affections diffèrent nettement sur un certain nombre de plans (génétique, en particulier).

En quoi ce handicap est-il considéré comme invisible ?

Le Syndrome SAPHO attaque les articulations et les os principalement. En effet, le fait d’être diagnostiqué n’inclut pas le fait de présenter tous les tableaux de l’acronyme SAPHO. Par ailleurs, un malade n’a pas forcément de douleurs suffisamment aiguës pour boiter ou avoir besoin de se déplacer en béquilles, ou encore en fauteuil (cela arrive très rarement mais cela existe). Il est donc « nu », face à une population qui ne comprendra pas qu’il souffre pourtant le martyre. A l’œil nu, on ne voit pas les dégâts osseux et articulaires provoqués par la maladie. On ne voit pas non plus les douleurs « d’accompagnement » dites musculaires, ou la fatigue chronique qui s’installe chez de nombreux patients. Certains patients ont une fibromyalgie associée.

Pour le côté visible, certaines personnes présentent les manifestations cutanées qui peuvent aussi être très gênantes, notamment pour des raisons esthétiques. En effet, l’acné, la pustulose palmo-plantaire ou encore le psoriasis peuvent provoquer une gêne vis-à-vis des collègues de travail notamment, et être source d’isolement socio-professionnel. Ces atteintes génèrent également un handicap fonctionnel certain : les lésions des mains peuvent être gênantes dans la vie de tous les jours (la peau « accroche » les vêtements, les produits d’entretien ou autres aggravent l’irritation, etc). Sous les pieds, les pustules peuvent être douloureuses et gêner la marche.

Ces périodes de poussées dermatologiques n’étant pas toujours actives tout au long de la maladie, on parle aussi d’un handicap invisible et qui « sommeille »…

Quels sont les chiffres / % de ce syndrome en France et parmi les autres handicaps ?

On ne sait pas exactement combien de personnes sont atteintes du Syndrome SAPHO car de nombreux cas restent méconnus, en raison de la « nouveauté » de la définition du Syndrome et de la diversité des manifestations cliniques. On pense que ce syndrome n’affecte pas plus d’une personne sur 10 000.
Actuellement, des travaux sont en cours afin de réévaluer les critères de validation de diagnostic. L’AIRSS travaille étroitement avec son équipe de scientifiques, chercheurs… notamment sur cette thématique. Le Syndrome SAPHO a surtout été observé au Japon et en Europe occidentale (notamment dans les pays scandinaves), mais il peut toucher toutes les populations et toutes les ethnies.

Quelles sont les personnes « connues » qui sont touchées par ce handicap ?

Nous ne connaissons pas de célébrités atteintes de ce Syndrome.

Quels sont les préjugés/stéréotypes/problèmes rencontrés pour ce handicap dans le monde du travail ? Aménagements à faire…

Les préjugés sont surtout axés sur le fait qu’il s’agit d’un handicap invisible. On a beau expliquer, on se heurte très souvent à une phrase banale du genre « oui tu as mal au dos quoi ! Comme tout le monde ! ». On ressent un manque d’intérêt, d’empathie… de la part de ses collègues en général, mais très souvent il est bien plus facile de juger que de tenter de comprendre.

Le fait que cette maladie évolue par poussées inflammatoires est aussi un facteur d’incompréhension ; un jour vous marchez, le lendemain vous arrivez à peine à bouger, à vous lever de votre lit ou encore à faire certains gestes quotidiens. Alors aller travailler…
Au travail, il est souvent compliqué d’être « bien vu ». Forcément, vous avez l’étiquette de la personne qui est là quand elle veut, qui vient travailler quand elle veut…

Le problème de l’aménagement du temps de travail est souvent relaté par les malades ; soit il s’agit vraiment d’un problème d’entreprise et de bonne marche d’un service par exemple, mais dans la majorité des cas il s’agit simplement d’un manque de tolérance et d’envie de la part du chef de service à vouloir aménager des horaires ou un poste de travail. Ceci aussi car bon nombre de témoignages ont également montré de véritables propos odieux de certains collègues vis-à-vis de la personne malade. Le chef de service ne se mouille donc pas trop parfois… et préfère ignorer le véritable problème…

D’autres fois, il s’agit d’un travail que l’on ne peut plus mener parce que la maladie a évolué ou continue d’évoluer, parce qu’un traitement fatigue énormément, parce que la perte d’autonomie physique devient conséquente… ou encore que d’autres pathologies viennent se greffer à l’existant.

Certains patients ont aussi des métiers qu’ils ne peuvent plus exercer ; aide-soignante par exemple. Il est parfois difficile voire impossible pour la structure ou l’entreprise de reclasser la personne.

Il peut s’agir aussi de s’arranger pour inverser des RTT pour pouvoir aller faire ses perfusions à l’hôpital sans forcément avoir un arrêt de travail. Cela se fait parfois avec un chef de service qui comprend et qui aide ainsi son salarié en accordant ce genre de procédé. Néanmoins, cela reste rare…

Il est plus compliqué de négocier un télé travail… pourtant beaucoup de malades seraient intéressés par ce genre de procédé et seraient ravis de pouvoir continuer ainsi à exercer.

Quelques patients enfin, ont franchi le cap et sont auto entrepreneurs ; avec les risques que cela comporte au vue de la conjoncture économique actuelle mais aussi au regard d’une pathologie qui n’a de cesse de se réveiller et donc d’obliger le corps à se mettre au repos complet par période.
Il existe certes des entreprises où un effort est fait pour le maintien ou le reclassement d’une personne en situation de handicap. Mais ne sous estimons pas le chiffre le plus réel qui est celui de la discrimination, du manque d’intérêt, et du licenciement pour vite se débarrasser de la personne. Nous avons suivi et aidé de nombreuses personnes dans ce cas…

A noter ce chiffre encore bien trop important d’entreprise qui ne joue pas le jeu de l’insertion de travailleurs handicapés (quota de 6 %). On se demande parfois s’il est vraiment utile d’avoir une RQTH et si finalement elle ne nous dessert pas plus qu’elle ne nous sert. On le sait, une personne handicapée a en moyenne trois fois moins de chance de trouver un emploi qu’une autre… Garder son emploi est tout autant compliqué…

On voit également beaucoup de difficultés pour les personnes atteintes du Syndrome SAPHO dans leurs démarches vers le pôle emploi ou des accompagnements de formations. Tout cela n’est pas toujours effectué en tenant compte du réel handicap induit par le Syndrome SAPHO. Pourtant les malades expriment en détails leurs difficultés, leurs besoins, leurs attentes, leurs souhaits…

Enfin, n’oublions pas non plus certaines catégories de professions où les lois relatives au travail sont encore moins respectées… et où la bataille entre le malade et son employeur (et les institutions qui s’y rapportent) sont alors un véritable parcours du combattant.

Comment mieux travailler ? Quelles sont les améliorations à apporter chez les entreprises ?

Il serait intéressant que les structures comme Pôle Emploi, les MDPH, l’AGEFIPH, les entreprises etc… se rapprochent d’associations pour mieux travailler. En effet, les associations de malades, agréées et dotées de Conseil Scientifique, sont à même de répondre à des questions qui faciliteraient l’insertion, le maintien des personnes atteintes de maladies rares, chroniques. D’exposer clairement ce qu’est telle maladie, ce qu’elle engendre etc… Il ne faut pas rêver, personne ni même le médecin du travail ne se penche sur ce genre d’information ! Il serait tellement porteur que le médecin du travail soit informé, documenté, en amont d’une visite médicale pour une personne atteinte de maladie rare.

Là encore, vous avez le médecin qui ne veut pas s’ennuyer ni se retrouver en face d’un patient en train de lui expliquer sa maladie (parfois certains médecins prennent très mal l’information que leur donne un patient… ils se sentent snobés…). Il octroie une mention apte à travailler sans même sourciller, ni se poser aucune question quant à l’avenir de cette personne en entreprise.

Il devrait y avoir un questionnaire beaucoup plus ciblé lors d’un rendez-vous avec le médecin du travail, à l’embauche comme lors de toute visite de contrôle. La possibilité à tout moment de saisir ce médecin et de vraiment pouvoir mener jusqu’au bout une démarche pour le maintien dans l’emploi.
On nous montre et on nous dit ce qui arrange tout le monde, sauf les malades. Le vrai monde du travail ne fait pas de cadeau et nous sommes nombreux à avoir payé une double peine : être malade et perdre son travail à cause de sa maladie.

L’ignorance reste un fléau bien trop important dans le monde du travail. Certes on ne peut pas connaître 6000 à 8000 maladies rares (chiffres actuels) mais renoncer à s’informer et à réellement aider une personne en situation de handicap à se maintenir dans l’emploi ou à y accéder n’est pas non plus très glorieux.
A l’AIRSS nous avons un espace dédié aux entreprises. Nous avons ouvert cet espace depuis 2008 – 2009. Nous estimons qu’il est de notre devoir d’accompagner tout malade atteint de ce Syndrome y compris dans son parcours professionnel. Nous en faisons de même avec un espace dédié à la vie scolaire.
Il est vraiment indispensable que des réseaux se développent avec l’aide des associations que l’on voudra bien intégrer. Un droit de participation uniquement, d’accompagnement, d’information… mais qui sera une véritable aide au niveau des entreprises. Cela aiderait également dans la reconversion de certaines personnes ne pouvant plus assumer leur travail actuel.

La constitution d’équipes pluridisciplinaires, autres que celles déjà en place, en intégrant des professionnels de santé par le biais d’associations agréées nous semble être une carte à jouer.

L’aménagement d’un poste devrait se faire avec l’aide d’une équipe plus développée : ergothérapeute, médecin spécialisé etc… Tout cela pourrait également s’opérer en partenariat avec des structures dédiées à la pathologie dont souffre la personne. Il faudrait aussi songer à développer plus de télé travail. Beaucoup de personnes ne peuvent plus travailler parce que leur entreprise ne le propose pas. A l’heure de la modernité c’est tout de même un peu effarant…


Talentéo souhaite vous faire connaître différents portraits en fonction du handicap, n’hésitez donc pas à nous proposer vos idées et vos témoignages. Le seul handicap serait de ne pas en parler !

 

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