Coup de coeur
Témoignages

Diagnostiquée autiste asperger en 2013, Coralie Adato a longtemps cherché son chemin avant de poser des mots sur ses maux. Dans un récit authentique et touchant, la jeune femme raconte son histoire dans une chronique à suivre sur Talentéo. 

Dans ce premier épisode nous vous proposons de faire connaissance avec Coralie.

Coralie dite « L’éloignée »

Je m’appelle Coralie Adato, j’ai 44 ans et je vis sur Narbonne depuis 5 ans. Passionnée par le monde animal et des oiseaux plus particulièrement, je soutiens beaucoup d’associations de protection animale. Les actualités récentes prouvent clairement que tant que l’humain n’aura pas fait le choix d’être respectueux des animaux et de la nature, nous continuerons à souffrir de telles situations.

Je suis heureuse d’être une grande soeur en ce sens, depuis de longues années, de Greta Thunberg. Merci à elle pour cet engagement sans compromis possible. Elle dérange et c’est tant mieux !

« Je pense en images »

Je ne travaille plus depuis 10 ans, mais je poursuis un cursus de formation musicale au Conservatoire. Dans ce cadre, je pratique le chant lyrique, le violon et plus récemment le piano en extérieur. Aussi, je participe à deux pratiques collectives dans un choeur de femmes et un petit orchestre à cordes.

J’écris depuis toute petite énormément de poésie. Je pense en images, en sons de mots et mes écrits, par leurs résonances, se font l’écho de ce monde en métamorphose qui se joue en liberté et en permanence dans ma tête.

Je n’entends pas les mots pour leur sens en premier, mais bien au travers du prisme de leurs résonances et de leurs influences sonores réciproques. Les mots sont des couleurs et des formes vivantes qui s’articulent sur mes carnets à spirales.

« Un imaginaire salvateur »

J’ai été diagnostiquée autiste asperger en 2013. Le parcours diagnostic s’est terminé en 2016, après un long chaos d’errance depuis ma petite enfance. J’ai souffert d’une longue anorexie mentale sévère dite « atypique » qui aurait été symptomatique d’une structure dite « psychotique ». Tel était le diagnostic des médecins psychiatres pour la plupart d’obédience psychanalytique.

Je me suis construite un imaginaire salvateur. Mes sorties me permettaient de dévorer dans les livres de littérature et de sciences les sujets qui me tenaient à coeur. Je puisais mes forces dans la Nature qui, pour moi, est toujours source de vie et d’inspiration.

Le parcours scolaire

Mes premières années scolaires en maternelle ont été assez adaptées à mon développement. J’avais ma grand-mère comme institutrice. Je pouvais donc avoir quelques privilèges, notamment le fait de ne pas avoir à participer aux siestes et goûters collectifs. J’ai eu par la suite des enseignants qui avaient repéré ma différence et avaient su la respecter en ne me forçant pas à aller en récréation ou à participer aux activités de groupes que je détestais.

Je pouvais lire, m’occuper des plantes et des élevages. J’étais assez libre. Je ne cherchais pas les contacts amicaux. Par ailleurs, je suivais un cursus de violon au conservatoire ainsi que des cours de danse classique.

Les difficultés ont commencé en fin de primaire avec une enseignante qui m’a clairement rejetée voire humiliée devant les autres. J’étais dans une période très fragile et mes troubles anxieux et alimentaires se sont installés silencieusement. Je me suis réfugiée dans mon petit monde peuplé d’amis-mots et d’animaux ! 

Le chemin fragile du parcours universitaire 

Mes études ont par la suite été très difficiles avec la maladie, la solitude, le handicap physique et les multiples hospitalisations. J’ai été hospitalisée plus de 6 mois pendant mon année de Terminale. J’ai quand même pu passer mon baccalauréat de lettres et de mathématiques en étudiant avec un enseignant de l’hôpital d’un service toulousain de médico-psychologie.

Je suis entrée par la suite à l’Université de Lettres modernes. Au bout d’une année difficile, je suis partie en classe préparatoire de concours paramédicaux et sociaux à la Croix-Rouge française. J’ai obtenu celui d’éducatrice spécialisée.

Cependant, après un stage auprès d’enfants sourds, autistes et psychotiques, où j’ai été à nouveau malmenée par l’équipe, j’ai repris le chemin fragile du parcours universitaire. Je me suis enfermée dans les études avec mon anorexie couplée à un sévère mutisme sélectif. J’ai bénéficié d’aménagements pour les examens grâce au soutien de la médecine préventive, mais j’ai un souvenir vraiment douloureux de ces années.

Mon année de licence a été la plus soutenante. J’étudiais la littérature comparée en théâtre et opéra. Cela m’a ouvert de nouvelles portes d’exploration poétique et artistique. J’ai recommencé aussi un peu à étudier le violon auprès d’un violoniste yougoslave, ancien élève de Léonid Kogan. Un de ses amis chanteur lyrique au Capitole m’a donné mes premiers cours de chant lyrique !

J’ai arrêté en maîtrise de socio-linguistique après trois stages dans les médias (télévision, radio) puis aux Editions Milan. Ensuite, j’ai découvert un peu le monde du travail, ses difficultés et à nouveau le rejet après une embauche de courte durée dans une grande enseigne de la vente culturelle.

Le monde professionnel : une mosaïque un peu décousue

Je pense que si j’avais la malheureuse intention de présenter mon CV pour un emploi, il serait refusé un peu partout ! Certains autistes collectionnent les plaques d’immatriculation, d’autres les erreurs dans le monde des études et du travail ! Je donnerais à lire une sorte de mosaïque un peu décousue, des pièces éparses de vaines tentatives, encore une fois, de rentrer et de vite sortir de moules qui visiblement ne m’allaient pas ou ne voulaient pas de moi.

J’ai appris énormément, surtout de mon incapacité à fonctionner selon des attentes que je ne comprends pas et qui ne correspondent pas à ma manière d’être opérationnelle. Ma façon de procéder dans le monde du travail, mes analyses et initiatives semblaient déstabiliser beaucoup de monde. En retour, je subissais l’indifférence, le rejet et des « coups bas » visant à me faire sortir du système.

« On m’appelait le coucou »

J’ai passé le concours de professeur des écoles sans conviction, un peu dans le vide. Mes postes ont été complètement hétéroclites et éclatés : hôpital des enfants malades, Segpa, classes spécialisées pour handicap. Avec la reconnaissance de travailleur handicapé, j’ai eu un poste dit de « fonctions pédagogiques exceptionnelles ». J’étais en zone violence, seule enseignante aide-ressource sciences et maîtrise de la langue sur 39 écoles.

J’aidais les enseignants à appliquer les programmes de sciences et technologie de la maternelle au collège tout en développant les compétences de maîtrise de la langue à chaque étape de la méthode scientifique. Je n’avais pas de bureau, juste ma voiture. On m’appelait joliment « le coucou » parce que j’étais obligée d’emprunter les espaces des autres dans les écoles et leur matériel. Les conditions de travail n’étaient absolument pas adaptées à ma constitution. J’ai dû renoncer et être hospitalisée assez longuement.

La naturopathie, nouvelle perspective de compréhension

C’est au cours d’une sortie que j’ai été victime d’un grave accident de la route avec traumatisme crânien. J’ai été percutée sur un trottoir par une herse de tracteur. Ma vie a basculé. Pendant ma reconstruction physique, sans revenu et possibilité de louer un logement, aidée par ma mère, j’ai étudié la naturopathie. Cela m’a passionnée. J’ai été certifiée et lauréate pour deux formations. Je m’y suis investie sans trêve pendant quatre longues années.

La physiologie et le monde des médecines naturelles m’ont ouvert de nouvelles perspectives de compréhension de la vie au sens large et de ses interactions avec l’environnement. J’ai été accompagnée pour une création d’entreprise dans le cadre du handicap. Cependant, cela ne me correspondait pas. En effet, à l’époque, je n’avais pas encore le diagnostic posé d’autiste asperger.

Je me retrouvais toujours avec les mêmes difficultés face à l’emploi et aux autres. J’ai rechuté gravement. Je suis retournée avec mes feuilles de mots et de poésie en hôpital de jour, mais en m’isolant encore plus de tout, creusant davantage mes intérêts sans en parler. Je cherchais une porte de secours, je n’avais que des murs pour me retenir.

Le voyage pour se découvrir

Sur un coup de tête, je suis partie en Inde pour travailler dans un jardin, une école et une clinique d’un ashram. Cela a été très dur pour moi sur place. Toutefois, le silence restait ma rigueur. Je pouvais continuer à lire et écrire. À l’autre bout du monde, les médecins qui me suivaient imprimaient les pages de mes blogs. J’étais devenue une correspondante particulière dont les lignes étaient lues par des personnes enfermées. Je leur apportais des couleurs, des voyages, des possibilités de penser à autre chose.

À peine revenue, j’ai repris un billet pour trois mois vers l’Afrique, dans une zone très précaire du Siné Saloum au Sénégal. J’ai suivi une mission dans une association locale afin de monter une bibliothèque. J’avais également un projet en nutrition concernant la mise en place d’un goûter avec les ressources locales pour 130 enfants d’une petite école qui était, à l’époque, sans eau et sans aucune hygiène. Aussi, j’ai contribué à un projet de maternité pédiatrique incluant médecine traditionnelle et officielle.

Cela a été très compliqué sur place en raison de mes spécificités alimentaires et de mes difficultés avec les autres bénévoles. Ces derniers restaient entre eux. Les problèmes d’hygiène ont mis ma santé précaire en difficulté. Je suis tombée gravement malade, mais j’ai refusé un rapatriement sanitaire pour mener à bien mon projet. Avec mes pauvres moyens de bord qui me servaient aussi à soigner des enfants là-bas, je me suis soignée. Par la suite, je suis rentrée à nouveau en hôpital de jour avec un sentiment d’étrangeté encore plus prégnant.

« J’apprenais à être … »

Je continuais à jongler avec mes images, mes dessins, sans but précis jusqu’à ce qu’un nouveau médecin du lieu fasse remarquer que ma place n’était pas ici. Je n’étais, selon lui, clairement pas psychotique, mais autiste. Cela m’a fait claquer la porte. Je fus épouvantée par cette nouvelle nomenclature dont j’ignorais totalement les tenants et aboutissants. Je me suis enfermée dans un mutisme. J’ai fuit en urgence, à moins de 40 kg, en arrachant ma sonde, pour 5 autres mois en Inde. Je me suis investie dans un orphelinat de jeunes filles que j’avais connu lors de mon précédent voyage, ainsi que dans une formation intensive de yoga avec un des élèves du maître Iyengar.

La rigueur, la régularité et le cadre de ces cours ont été d’une importance considérable pour comprendre mes besoins. Le soir, j’aimais être seule sur les toits avec les corbeaux à regarder les divins couchers de soleil aux couleurs chaudes et enveloppantes emportant dans les derniers rayons les clameurs de la ville et les chants des temples et des mosquées. Je n’avais pas à parler. 

Je me sentais moins étrangère au contact des indiens locaux. J’aimais le salut sans contact, leurs rituels qui s’ajoutaient aux miens, ceux qui m’attendaient pour me donner mon petit déjeuner d’iblis en coin de rue. Je fuyais les blancs et leurs questions. Je ne voulais rien dire de mon histoire, je n’avais plus de passé, j’apprenais à être… mais je souffrais aussi par crises en raison du trop de lumières, de bruits, de l’imprévu, de la peur de revenir, de la peur de l’avenir … et que faire avec tout cela ?

 

A suivre …

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