L’autisme au féminin a enfin un visage et une série : celui de Louison, interprétée par Nicole Ferroni dans Aspergirl diffusée sur OCS Max. Dans cette fiction, la mère célibataire de 38 ans a un emploi. En réalité, pour la majorité des personnes atteintes d’un Trouble du Spectre Autistique (TSA), ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Un problème qu’organismes, associations, entreprises inclusives essaient malgré tout de résoudre. Voici comment.
En voilà un constat amer : seulement 5 % des personnes autistes ont un emploi. Pourtant, la valeur des salariés atteints de TSA n’est plus à démontrer. Jean-François DUFRESNE, ancien dirigeant de la société Andros et fondateur de l’association Vivre et Travailler Autrement assure même que. « C’est une perte pour les firmes qui se privent parfois de surdoués plus productifs que d’autres salariés sans handicap ». Il remarque notamment les qualités de ces travailleurs qui sont souvent très ponctuels et ne rechignent pas à exécuter des tâches rébarbatives. Il note également qu’ils apprennent très vite et détestent se tromper, les rendant par conséquent particulièrement concentrés sur leurs missions.
S’il existe encore des obstacles à l’insertion professionnelle des personnes présentant un TSA, les initiatives se développent pour une meilleure inclusion.
Des formations encadrées
A commencer par le projet Construire une Université Aspie-Friendly, inscrit dans la Stratégie nationale pour l’autisme (2018-2028). Il s’articule autour de 5 axes. Avec notamment l’aménagement des cursus, la formation destinée aux enseignants et personnels administratifs, ou encore l’insertion professionnelle avec la charte « aspie-friendly », signée par de nombreuses entreprises parmi lesquelles Microsoft, Avencod ou encore SAP.
À ce jour quelque 500 étudiants dans 26 universités, dont celles de Montpellier, Bordeaux et Cergy-Pontoise ont été accompagnés. Et à entendre Claire COMPAGNON, ce ne serait que le début. Selon la déléguée interministérielle en charge de la conduite politique publique de l’autisme et des Troubles du Neuro Développement « le programme a démontré qu’il fonctionne » via des « bénéfices concrets pour les étudiants ». Ces nouvelles attitudes pédagogiques profiteraient même à tous. En 2022, les « demandes des étudiants ont augmenté de 20 % ».
Certaines initiatives se déclinent également localement. En 2019, l’Ecole de Management de Grenoble a lancé un programme dédié aux étudiants ayant le syndrome d’Asperger, forme particulière d’autisme. Celui-ci nommé le programme Data Asperger inclut une partie technique, une spécialisation data analyst et intègre une dimension psychologique. Au long de leur formation, les étudiants peuvent disposer de psychologues pour les aider à répondre à leurs interrogations.
Pour celles et ceux ne souhaitant pas intégrer un cursus universitaire, des formations adaptées sont proposées notamment par Handigital. Leurs cursus préparent aux métiers du numérique. Encore dans le domaine du numérique, l’association Le Mouton à 5 pattes a mis en place un projet de formation avec Compéthance, entreprise adaptée filiale d’Urbilog.
Des acteurs de l’emploi mieux formés
Après la formation vient le temps de l’intégration au marché du travail. Depuis 2018, Pôle Emploi a créé le dispositif Autisme et Emploi. Il comprend une formation à destination des agents afin de les sensibiliser à l’accueil des personnes autistes. Ces modules, animés par des spécialistes, sont notamment destinés aux conseillers qui pourraient accompagner ces personnes.
Si tout se déroule sans encombre, c’est l’heure de l’entretien de recrutement ! Là encore, place à l’innovation.
« Les méthodes classiques de recrutement sont inadaptées » constate Gabrielle BLINET, cofondatrice de Specialisterne France, entreprise sociale internationale fondée en 2004. Elle remarque « qu’il faut savoir se vendre, comprendre ce que le RH veut, et c’est exactement ce qu’une personne autiste a du mal à faire. »
Ainsi cette entreprise, née au Danemark, évalue différemment les compétences.
« Il n’y a pas que de la déficience intellectuelle dans le spectre de l’autisme. Notre méthode se base sur les savoir-faire concrets de ces personnes. » L’entreprise n’hésite pas à avoir recours à des éléments ludiques comme « les constructions de robots Lego Mindstorm pour déterminer leurs forces cognitives comme la détection des erreurs, la capacité à mémoriser des détails, l’analyse logico-mathématique… ».
Des employeurs accompagnés et sensibilisés
En parallèle, de nombreuses structures accompagnent les candidats pour les aider à s’intégrer professionnellement, tout en menant un gros travail de sensibilisation auprès des entreprises. Par exemple, Handigitial propose une formation au monde de la pensée autistique. « L’idée est de donner aux personnes qui vont recevoir les apprenants toutes les clés pour savoir prendre en compte leurs différences, leurs particularités sensorielles, et les choses qui pourraient les mettre dans l’inconfort » détaille Bruno SCHEHR.
Le formateur TSA, précise « Nous donnons des clés, pas des réponses. L’objectif ici est d’avoir connaissance du mode de fonctionnement d’une personne autiste pour ensuite essayer de s’adapter. » Une autre initiative est née à Lille en 2017. Dans la capitale des Flandres, SOS Autisme a mis en place en partenariat avec Pôle emploi un accompagnement d’un an des employeurs ayant embauché une personne autiste.
L’autisme intégré dans l’emploi
L’association Vivre et Travailler Autrement a aidé L’Oréal à monter le projet Gloria qui consiste à accueillir dans les usines des travailleurs autistes avec déficience intellectuelle. En septembre 2022, elles ont intégré 14 personnes en situation de TSA, dont 8 en CDI.
D’autres entreprises s’engagent comme SAP France, qui en 2013 a lancé le programme « Autism at Work ». Aujourd’hui, il accompagne plus de 160 salariés dans 13 pays et parmi eux : Justine, Responsable Affaires Publiques au sein de l’éditeur de logiciels professionnels.
Une fois son recrutement validé, la jeune femme raconte au média Welcome to the jungle avoir rencontré Asperteam, une formidable structure qui accompagne les autistes vers l’emploi, en nouant des partenariats avec les entreprises. « Grâce à cette dernière j’ai pu suivre des cours d’habilités sociales », se souvient-elle. Un poste adapté lui permet de limiter les situations sources de stress. Elle est également autorisée à télétravailler l’après-midi, « je souffre d’une grande fatigabilité sociale qui peut entraîner des absences, voire de forts troubles anxieux, si je suis trop exposée », explique-t-elle.
Elle note également avoir reçu l’aide de 2 Buddy, compagnonnes de route, qui l’ont accompagnée. « La première pour monter en technicité dans mon métier, la seconde pour m’aider sur l’aspect relationnel », développe Justine. Voilà donc une intégration réussie après de très nombreuses périodes de chômage.
La stigmatisation des personnes concernées par l’autisme tend à se réduire au fil de leurs représentations médiatiques et des sensibilisations. Cependant, des efforts sont encore réalisables avant d’atteindre une inclusion parfaite. Les entreprises et les structures de formation s’engagent et participent à la prise en considération et à l’intégration des besoins de leurs employés !
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