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Nous avons interviewé Luc Leprêtre, auteur et conférencier, dont le travail littéraire aborde le thème du handicap moteur. Tétraplégique depuis l’adolescence, la représentation des personnes en situation de handicap dans la littérature est pour cet écrivain une priorité.

Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?

Je m’appelle Luc Leprêtre, j’ai 50 ans dont 35 années passées en fauteuil roulant (tétraplégique incomplet) à la suite d’un accident en 1989. Comme j’ai eu mon accident à 15 ans, j’ai orienté mes études en fonction de mes possibilités. J’ai donc fait des études littéraires et je suis devenu traducteur. Puis j’ai commencé à écrire pour tenter de partager mon expérience et changer le regard.

Par la suite, je suis devenu conférencier et auteur. Fan de cinéma et de littérature, j’essaie de proposer des histoires avec des personnages différents de ceux que l’on a l’habitude de voir. C’est dingue de voir qu’en 35 ans les idées reçues sur le handicap et les personnes handicapées n’ont pas beaucoup bougé. Ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent : inaccessibilités, chômage, précarité, enfermement… Attention, je ne dis pas que rien n’a changé, mais il reste beaucoup à faire pour sortir le handicap de l’enfermement dans lequel vivent encore trop de nos concitoyens, qu’ils soient handicapés ou aidants.

Vous êtes l’auteur de 3 romans, dont 1 en coécriture avec Marcel Rufo, qui traitent tous des sujets du handicap. Pourquoi écrire sur ce sujet ?

Je crois que j’écris pour que les gens comprennent ce qui il y a derrière le handicap. Nous ne sommes pas le handicap, nous vivons avec. Cela impose des contraintes, modifie le quotidien et le futur tel qu’il se présentait avant son apparition. Mais après cela, il reste nous avec nos possibilités quelles qu’elles soient.

Mon premier livre, un essai, avec le pédopsychiatre Marcel Rufo est sorti après 18 années de fauteuil. J’avais atteint ma « majorité en tétraplégie » et je trouvais intéressant de faire un bilan d’étape en brassant de nombreux sujets tel que la justice, l’amour, les études, le regard de l’autre. C’était un peu un catalogue pour tenter d’apporter des réponses pour celles et ceux qui arrivaient dans le monde du handicap. Après, on m’a donné la possibilité de faire de la fiction (Merci à mon éditrice Anne Carrière) et il était impossible pour moi de ne pas saisir cette chance de créer des personnages que l’on lit trop peu.

Avec mon premier roman en 2009 « Club V.I.P. (Very Invalid Persons) » (Prix Handi-livre du meilleur roman en 2010) j’ai créé un univers où mes 3 personnages principaux (deux tétraplégiques et un paraplégique) décidaient de créer une entreprise politiquement incorrecte. En effet, ils vendaient leurs (nos) soi-disant privilèges. Cela permettait de les voir vivre et de rentrer dans leur intimité.

Mon deuxième roman aborde la reconstruction d’une femme patronne de start-up. Suite à l’arrivée du handicap dans sa vie, comment reprendre sa vie, aimer et être aimé ? J’essaie de créer des personnages que les lecteurs et lectrices aimeraient rencontrer sans penser au handicap tout en ayant assez de connaissance pour l’intégrer à leur quotidien et donc à ne plus en avoir peur.

Quelle est l’importance de la représentation du handicap dans la littérature aujourd’hui ?

Cela se développe, mais il reste encore beaucoup à faire pour voir fleurir des personnages « normaux avec un handicap » intégré à l’histoire sans être le centre de l’histoire. Après, « le handicap » est si vaste, il n’y a rien de plus hétérogène. Moi, j’essaie de dessiner des personnages avec des handicaps moteurs, car c’est ce que je connais, mais il y a des dizaines et des dizaines de handicaps différents à aborder. Mon seul regret et que bien souvent les livres qui parlent de handicap manquent de joie, de rire, de sexe, de VIE. En 35 ans de vie en fauteuil, j’ai croisé tous les types de handicaps et les gens, quel que soit leur handicap, aspirent à vivre. Nous devons donc montrer aux gens que oui NOUS VIVONS.

Votre dernier roman est « le Réveil d’Anaïs », de quoi parle-t-il ?

Anaïs est une jeune femme, patronne de start-up qui un jour à cause d’une myélite transverse s’écroule et se devient paraplégique. Elle se retrouve dans un centre de rééducation où elle va rencontrer plein de personnages qui vont l’aider à avancer. Mais elle n’est pas au bout de ses surprises !

Ce roman permet d’aborder, le regard de l’autre, le regard que l’on pose sur soi, la féminité, la place des personnes en situation de handicap dans le monde de l’entreprise, l’amour, la sensualité et plein d’autres choses encore !

Handicap couverture du livre le réveil d'Anaïs

Le Réveil d’Anaïs – Luc Leprêtre

Avez-vous mené des recherches spécifiques ou puisez dans votre expérience personnelle pour écrire ces livres ?

Oui, je me suis entouré d’une femme médecin spécialiste des blessés médullaires et j’ai questionné de nombreuses femmes paraplégiques. Pour le reste, après toutes mes années d’expérience, j’ai pu développer ce que je voulais. Pour Club VIP comme pour le Réveil d’Anaïs, j’ai pioché dans mon expérience et dans les thèmes que je souhaitais développer qui me sont chers.

Envisagez-vous d’écrire davantage sur le sujet du handicap à l’avenir ? Quels autres sujets ou thèmes aimeriez-vous explorer dans vos futurs projets d’écriture ?

Le thème du handicap a encore besoin d’être abordé et j’espère que nous pourrons voir plus de personnages attractifs. Tant que l’on me donnera la chance de m’exprimer, oui, je mettrai des personnages avec un handicap dans mes histoires. Si nous ne le faisons pas, qui le fera ? Et de quelle manière ? Après, je voudrais aborder des histoires plus noires. On voit souvent des personnages positifs et je suis le premier à le faire. Peut-être faut-il développer d’autres types de personnages. Plus noires, plus méchants.

Quel message voudriez-vous passer à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?

La promotion pour des livres qui parlent de handicap avec un écrivain handicapé est vraiment très compliquée, j’ai donc eu peu de chance de défendre mes livres. Je voudrais donc que vos lectrices et lecteurs donnent leur chance à mes romans et surtout me fassent des retours. Dans mes livres, ils trouveront une adresse mail où me joindre. J’aimerais lire leurs retours.

Mon message est assez simple. Ne laissez jamais personne vous résumer à un handicap. Vivez !

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Photo d’illustration prise par la photographe Rébecca RUBCKE

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