Chez Talentéo, nous mettons en lumière l’aidance et celles et ceux qui la vivent au quotidien. À travers cette interview exclusive avec Pierre Denis, fondateur du fonds de dotation Aidant Attitude, nous donnons la parole à un acteur engagé pour mieux comprendre les défis, les richesses et les perspectives de l’aidance en entreprise.

Pouvez-vous vous présenter ?

1 salarié sur 5 est aidant : un enjeu majeur pour l’entreprise

Pierre Denis

Je suis fondateur du fonds de dotation Aidant Attitude, créé en 2009. J’ai accompagné mes parents pendant près de dix ans, entre maladie grave et fin de vie. Cette épreuve m’a poussé à agir pour les proches aidants, à travers l’information, la prévention, puis l’accompagnement des entreprises.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous engager sur la question des aidants ?

Être aidant, c’est avant tout accompagner l’autre. Chaque situation est singulière, chaque relation est unique, et cela exige une énergie constante, une créativité et une capacité d’adaptation hors du commun. Après le décès de mes parents, j’ai voulu transformer cette épreuve en moteur d’action. J’ai créé Aidant Attitude, puis travaillé avec des DRH pour faire évoluer les pratiques autour des fragilités au travail.

Cette vocation m’a ensuite amené à créer des projets concrets comme une web-série sur les aidants pour Malakoff Médéric Humanis, et à collaborer avec des fondations et mutuelles. J’ai aussi eu l’opportunité d’imaginer Ma Boussole Aidant lorsque je travaillais à Klesia. Il s’agit d’un service d’orientation destiné à guider les aidants dans la jungle des démarches, né de mon expérience et aujourd’hui porté par l’Agirc-Arrco.

Quelle est l’ampleur du sujet en France ?

Aujourd’hui, une personne sur cinq est aidante, soit environ 9,3 millions de Français. Près de 49 % souffrent directement de cette situation et de ses conséquences. Pourtant, une majorité ignore encore qu’elle est aidante. L’un des grands défis reste donc l’identification des salariés concernés et la mise en place de dispositifs adaptés en entreprise.

Quels sont les principaux défis pour concilier activité professionnelle et rôle d’aidant ?

C’est une charge mentale permanente, une vie rythmée par la coordination des soins, les appels, les démarches, et parfois des incompréhensions managériales. J’ai moi-même vécu un entretien annuel qui a tourné à l’épreuve, faute d’avoir osé dire ma réalité. Le silence pèse lourd. Dire que l’on est aidant, même avec pudeur, peut changer beaucoup de choses et éviter des quiproquos destructeurs.

Comment les entreprises peuvent-elles identifier et accompagner les aidants ?

Il ne suffit pas de donner un numéro d’écoute ou de créer une plateforme. Il faut un écosystème complet qui s’appuie sur la médecine du travail, les assistantes sociales, les pairs-aidants en interne et une sensibilisation active des managers.

On a mis en place avec Aidant Attitude, en collaboration avec la société Cocon&Co, une étude autour d’un système appelé « Sherpa ». L’image est parlante : comme le Sherpa qui porte les sacs, l’accompagnateur prend en charge une partie du fardeau. Concrètement, il va chercher des solutions pour maintenir la personne aidante dans l’emploi. Cela a une vraie valeur pour l’entreprise, car cela contribue à réduire des coûts cachés comme l’absentéisme et le présentéisme, qui pèsent lourd sur la performance. Le défi reste cependant de trouver un business model viable. Le partenariat avec les entreprises est indispensable pour assurer le financement et le déploiement durable de ce type de dispositif.

Quels freins persistent ?

Les freins sont multiples et parfois très ancrés. Le premier est la question budgétaire : beaucoup d’entreprises reconnaissent l’importance du sujet, mais expliquent qu’elles n’ont pas de moyens financiers à y consacrer. Pourtant, ne pas agir coûte encore plus cher en absentéisme et en perte de performance collective.

Le deuxième frein est le manque de repères. Les DRH ou managers souhaitent aider, mais ne savent pas toujours par où commencer ni quels outils mobiliser. Cette absence de cadre entraîne souvent de l’inaction.

Enfin, il existe un frein culturel lié à une vision encore trop centrée sur la performance chiffrée. Dans certaines organisations, le collaborateur est évalué uniquement sur ses objectifs, sans prise en compte de ses contraintes personnelles. Cela génère un sentiment d’injustice, voire d’exclusion, chez les aidants.

Pour dépasser ces freins, il est essentiel de développer un triptyque solide entre DRH, médecine du travail et action sociale et de changer la culture d’entreprise. Valoriser les aidants plutôt que de les considérer comme des salariés « à part » est un pas décisif vers une meilleure reconnaissance.

Focus sur l'édition 2025 du Prix Com'Handicap !

Comment favoriser la reconnaissance sans stigmatiser ?

Les aidants développent un véritable trésor de soft skills : gestion de crise, priorisation, empathie, coordination… Nous avons créé un référentiel de compétences qui traduit ces acquis en valeur professionnelle. Ce référentiel peut être utilisé tout au long du cycle RH, que ce soit lors du recrutement, de la mobilité, des entretiens ou de la formation. Plutôt que de voir l’aidance comme un frein, les entreprises doivent y voir un atout stratégique.

Quel rôle pour les managers ?

Leur rôle n’est pas de diagnostiquer, mais de repérer des signaux faibles, d’écouter et d’orienter. Un collaborateur plus souvent en retard, moins présent en réunion, peut cacher une réalité d’aidance. Le manager peut alors tendre la main avec bienveillance et proposer les ressources internes disponibles. Un simple geste peut suffire à rompre l’isolement et à créer un climat de confiance.

Quels leviers concrets recommanderiez-vous ?

De la souplesse organisationnelle avec des horaires aménagés ou du télétravail, des outils pratiques comme des guides ou des référents aidants, et la mise en place de groupes de pairs. Investir dans ces dispositifs, c’est réduire les coûts cachés de l’aidance et renforcer l’engagement des salariés.

Quel message souhaitez-vous adresser aux entreprises ?

Ne considérez pas l’aidance comme une perte de performance, mais comme une opportunité. C’est un enjeu social et économique majeur. Les entreprises qui s’en saisissent créent un climat de confiance et d’engagement durable.

Et aux salariés aidants ?

Je dirais aux aidants : osez en parler. Oser dire que l’on est aidant, c’est le premier pas pour éviter la double peine : celle d’accompagner un proche et de souffrir en silence dans son entreprise.

Pourquoi assister au Colloque National des Proches Aidants ?

Parce que c’est un lieu où la parole des aidants est centrale. On y croise des témoignages authentiques, des experts, des solutions concrètes et l’on repart avec des repères pratiques. C’est aussi un moment de partage et de solidarité, essentiel pour sortir de l’isolement.

Chez Talentéo, nous soutenons celles et ceux qui concilient emploi et aidance. Pour accélérer le mouvement et diffuser les bonnes pratiques, rejoignez le Colloque National des Proches Aidants : un rendez-vous pour écouter, débattre et repartir avec des solutions concrètes pour vos équipes.

S’inscrire au colloque

Crédit photo à la une : image d’illustration Pexels.

Partenariat

Partenariat

Partenariat

Partenariat

Affaires sensibles

Démocratie corinthiane : foot, bière et rock’n roll

00:00
Actuellement en live
En live !

Accéder au live

La Newsletter inclusive qui brise les préjugés sur le handicap au travail ! 💥