Stéphane Rivière, fondateur de Talentéo, a été interviewé sur RCF dans l’émission Echos d’entreprises par Elise Chardonnet.

De la création à l’actualité de Talentéo, venez découvrir ou redécouvrir ce témoignage, qui permet de mieux comprendre les enjeux du recrutement des personnes en situation de handicap. La démarche de l’entreprise permet aujourd’hui d’aboutir à la création d’un réseau social professionnel dédié, mais pas réservé, au handicap et à l’emploi.

Retrouvez la première partie de l’interview : la création de Talentéo.

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Elise Chardonnet : Bonjour, bienvenue dans ce nouveau numéro d’Echos d’entreprise, votre rendez-vous économique, qui s’intéresse à la vie en entreprise dans la région. Le handicap au travail, on en parle régulièrement. Beaucoup d’entreprises ont une politique volontariste dans ce domaine, incité, il est vrai, par le cadre législatif. En pleine crise, au moment où les entreprises recherchent souvent le mouton à cinq pattes, qu’en est-il si ce fameux mouton se trouve être en fauteuil ou appareillé ? Quels sont les nouveaux moyens pour valoriser sa candidature sans focaliser l’attention sur le handicap, mais sans nier pour autant ses fragilités ou sa posture atypique ? Voilà quelques questions pour le programme de cette émission et mon invité pour en parler, c’est Stéphane Rivière qui a créé et qui dirige Talentéo. Bonjour Stéphane Rivière.

Stéphane Rivière  : Bonjour Elise.

Elise Chardonnet : On va se familiariser tout au long de l’émission avec cette entreprise, Talentéo, ses objectifs et son fonctionnement. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu’est Talentéo ?

Stéphane Rivière : Talentéo est une jeune entreprise, une PME innovante que j’ai créé il y a maintenant presque 2 ans, hébergé dans une pépinière d’entreprises de la ville de Grenoble. Nous sommes spécialisés dans le recrutement de personnes en situation de handicap, mais on va plus loin que cela : on utilise les outils d’aujourd’hui, notamment les réseaux sociaux, pour favoriser l’insertion des personnes handicapées de tout niveau.

Elise Chardonnet : Comment est venue cette idée ? Est-ce que vous avez perçu un manque ? Vous avez une expérience à l’APEC (NDLR : Association Pour l’Emploi des Cadres) je crois.

Stéphane Rivière : Entre autres.

Elise Chardonnet : Comment votre parcours a-t-il influencé votre démarche entrepreneuriale ?

Stéphane Rivière : Je suis un pur jus du recrutement, comme je l’explique souvent à mes clients ou aux candidats qu’on rencontre. Au départ, pas du tout spécialisé dans la thématique du handicap, mais très ouvert à ce qu’on appelle la diversité. Moi-même, je suis issu d’un milieu très populaire. J’ai vu à quel point il était important d’avoir un réseau. Je me suis construit peu à peu. Dans toute ma carrière en cabinet de recrutement, au sein du groupe Adecco d’abord, puis en tant que responsable de l’APEC, ici à Grenoble, j’ai toujours eu ce soucis, sur nos missions de recrutement, de faire attention et d’élargir, c’est un peu un jargon technique, le sourcing, où on va chercher les candidats : ne pas se cantonner, essayer de ne pas cloner, mais plutôt d’ouvrir. Il fallait aussi être en appui des managers pour avoir des équilibres complémentaires. Le handicap est arrivé assez naturellement dans ma carrière professionnelle ici, à Grenoble, car on est sur un territoire très sensibilisé à cette cause, à cette démarche, à cette réalité. Au moment où j’ai créé un salon de recrutement à Grenoble, j’ai voulu y intégrer la thématique du handicap. Ne pas encore créer un salon de plus dédié au handicap, il en existe déjà, mais être sur quelque chose de plus ouvert, face à un constat qui m’apparaissait à l’époque. Il y avait beaucoup de handicap au travail, et même quand on est plein de bonnes volontés, qu’on est un recruteur très ouvert comme je l’étais, c’est très difficile de s’y retrouver. Qui fait quoi ? Quels sont les acteurs ? Le handicap, finalement, c’est quoi ? On parle souvent de handicap, mais il faudrait plutôt parler des handicaps : c’est quoi ? Le handicap, cela peut être quelqu’un en fauteuil, à mobilité réduite, mais cela représente 3 % des populations en situation de handicap. On peut avoir une hernie discale, on peut être dépressif chronique, c’est un handicap.

Donc c’est une réalité très complexe à appréhender. Pour aider les recruteurs et les candidats à savoir à qui s’adresser, j’ai regroupé tout ce beau monde dans un salon classique, pas dédié au handicap, mais dans lequel la thématique du handicap devenait un fil rouge : une thématique à intégrer à la thématique RH, ressources humaines, ou managériale.

Elise Chardonnet : Et cette thématique intégrée dans ce salon, cela a pris ?

Stéphane Rivière : Oui, cela a bien pris. A l’époque, je ne savais pas que je faisais de l’inclusion. J’ai découvert que cela s’appelait de l’inclusion, c’est-à-dire qu’on mettait le handicap comme il est aujourd’hui, il est inclus dans la société. On a tendance à ne pas vouloir le voir.

Elise Chardonnet :Ou au contraire à trop vouloir le voir, c’est-à-dire que l’on en fait quelque chose de tellement particulier, tellement spécialisé, qu’on va le mettre sous le feu des projecteurs, et cela va toujours paraître un peu à côté.

Stéphane Rivière : Exactement, on renforce quelque part la différence, en disant « c’est un sujet différent ».  Et depuis ce temps-là, depuis la Démarche « Handicadres », que j’ai créé à l’époque à l’APEC à Grenoble, ma volonté est de montrer que c’est un sujet comme un autre. Quand on est en situation de management, c’est un sujet de management. Quand on est recruteur, c’est un sujet à intégrer au recrutement. Quand on est dans la vie de tous les jours, c’est un sujet de la vie de tous les jours. L’accessibilité est souvent le premier point d’entrée. Ici, à Grenoble, on est la première ville accessible de manière urbaine, c’est-à-dire que vous allez prendre le tramway, vous pouvez y aller en fauteuil. Cela arrange tout le monde, c’est-à-dire que lorsque vous êtes avec vos enfants et votre petit de deux ans qui est fatigué, il monte dans sa poussette et vous pouvez rentrer tranquillement dans le tramway. C’est des petites choses comme cela qui font bouger les lignes. Pour revenir au sujet du recrutement, mon boulot a été d’essayer de montrer que ce n’était pas un sujet plus compliqué qu’un autre, qu’il fallait arrêter de culpabiliser les managers, les recruteurs, les chefs d’entreprise, les candidats aussi en leur disant « n’en parlez pas ». On peut en parler, il y a des moments où il faut faire attention à qui on en parle. J’essaie, depuis longtemps et aujourd’hui encore plus avec Talentéo, de déculpabiliser, de ne pas être dans une démarche militante. Je les respecte ces démarches militantes, elles sont très importantes, mais elles existent déjà. Je n’avais pas envie d’être un militant de plus, ou en tous cas un militant un peu différent. C’est-à-dire que je crois que c’est en connaissant un sujet qu’on en a moins peur. Notre boulot, chez Talentéo, au travers d’abord de notre site Internet talenteo.fr, le premier blog emploi et handicap en France, c’est d’informer, de rendre visible, à la fois les démarches des entreprises qui nous paraissent intéressantes, positives, on ne va pas être du tout dans une démarche de communication trop « pathos », c’est-à-dire…

Elise Chardonnet : Oui l’idée, c’est de ne pas faire tirer des larmes à tout le monde en se disant « les pauvres personnes » ou aussi dans l’autre sens en mettant un peu trop en avant. Il y a beaucoup d’entreprises qui peuvent mettre en avant leur démarche, et on se demande où est la sincérité de la démarche.

Stéphane Rivière : Exactement. Je trouvais qu’il y avait tellement d’interlocuteurs, tellement d’acteurs, qu’il fallait quelque chose de collaboratif, un endroit où on pouvait aller chercher de l’information, donc j’ai créé talenteo.fr, en février 2012, avec cette volonté-là. A la fois de rendre visible les démarches qui nous paraissent pertinentes, intéressantes et innovantes des entreprises sur le handicap au travail ; les réussites des candidats, communiquer sur du positif, ne pas être un « bisounours », mais être réaliste, pragmatique, concret, et de rendre accessible cette réalité-là. Cela existe déjà, il y a des sites dont on est partenaires. Par exemple, handirect.fr est un site d’information, mais qui va traiter de l’emploi parmi d’autres thématiques liées au handicap. Nous, on a essayé d’intégrer la thématique du handicap au travail, dans une actualité économique et tout ce qui va toucher à l’innovation dans le domaine des ressources humaines. On va avoir une audience qui est à la fois constituée de personnes en situation de handicap, de chargée de missions handicap d’entreprises, mais aussi de recruteurs, de managers, qui n’ont jamais entendu parler de handicap, et qui, dans un fil d’actualité innovation RH, vont trouver des réussites, des démarches très innovantes dans le domaine du handicap au travail. On va associer dans nos billets humour et handicap, performance et handicap.

Elise Chardonnet : Oui, c’est ce que je voulais dire, c’est quand même aussi une manière d’approcher le handicap qui est un peu désacralisée, on enlève un peu le tabou. C’est assez ludique quand on va sur le site, c’est joli, cela donne envie d’aller voir. C’est vrai que cela peut parler à tout le monde. Au premier abord,on n’image pas forcément que c’est un site dédié au travail et au handicap.

Stéphane Rivière : C’était complètement l’objectif. Ce thème, le mot même « handicap » peut faire peur. A juste titre, quand on n’est pas concerné par le handicap, on n’a pas forcément envie de s’y intégrer, sauf si à un moment donné on a des convictions. Enfin bref, cela ne se justifie pas. Dès le départ, je me suis dit qu’il fallait vraiment que l’on est un site qui soit d’abord un site d’informations : sur les ressources humaines, sur l’innovation du recrutement. Dans les innovations liées au recrutement, il y a des choses qui passent dans le domaine du handicap, on voulait avoir une ligne éditoriale et une approche graphique très différente de ce qu’il se faisait jusque-là. D’ailleurs, on ne s’appelle pas « handi-machin » ou « handi-truc ».

Elise Chardonnet : Ce qui doit être aussi agréable pour les personnes en situation de handicap.

Stéphane Rivière : C’est ce qu’elles nous renvoient aujourd’hui en nous disant « enfin, on parle d’autre chose que de mon handicap ». Même si on en parle, on ne parle pas que de cela. Le handicap est une composante de sa personnalité et de sa personne, cela ne réduit pas. Je suis, par exemple, pas du matin. On ne me résume pas à « Stéphane Rivière, il n’est pas du matin ». C’est aussi un handicap.

Elise Chardonnet : Par contre, on fera attention à ne pas prendre rendez-vous à 7h du matin.

Stéphane Rivière : C’est ce que j’ai fait, c’est pour cela que l’on se voit à un horaire acceptable pour moi (rires). Mais voyez, on essaie vraiment de rendre cela plus accessible, de dédramatiser quand on le peut. Il y a des moments où effectivement on est dans quelque chose qui est très sérieux, très médical, donc là on ne rigole pas avec cela, ce n’est pas le but. A un moment donné, c’est se dire que le handicap n’est pas que quelque chose de, bien sûr que c’est triste, difficile, compliqué, mais moi tous les jours, je suis au contact de personnes qui ont une volonté de fer…

Elise Chardonnet : C’est souvent dans les fragilités que se révèlent des choses précieuses, profondes, authentiques.

Stéphane Rivière : Oui complètement, c’est exactement cela. C’est des belles rencontres tout le temps. Je peux reprendre l’exemple de ce que l’on a vécu ce week-end dans la cadre du lancement, c’est la brique complémentaire de notre site Internet, du premier réseau social du handicap et de l’emploi.

Elise Chardonnet : On y reviendra.

Stéphane Rivière : On en parlera tout à l’heure. On était à Paris à Charlety sur un évènement sportif. On est venu avec des athlètes handi-sportifs et on était la seule équipe à mixer valides et handi-sportifs. On a passé un moment génial, en montrant que ce n’était pas plus compliqué que cela d’être ensemble. Finalement, on est des vecteurs du vivre ensemble, car c’est possible.

Deuxième partie vendredi prochain !

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