Hélène Morisseau, chroniqueuse d’Handirect, notre partenaire, est allée à la rencontre de Vincent Delion. Atteint de rétinite pigmentaire, 37 ans, il marche dans la vie quotidienne avec l’aide d’une canne blanche mais il va courir et finir le marathon de La Rochelle édition 2014 en moins de trois heures. Un exploit handisportif à partager

« La course à pied fait partie de sa vie, cela lui évite de cogiter », explique son entraîneur, Joël Chaigneau, quand il évoque le parcours de Vincent. Depuis l’âge de douze ans, celui-ci pratique l’athlétisme à l’US Thouars (79). Il n’a jamais cessé de courir hormis une interruption de quelques années pour ses études supérieures. Son entraîneur découvre tardivement la déficience visuelle de l’athlète, alors qu’il a 23-24 ans. Les problèmes de vue s’accentuent au fil des années. À l’âge de trente ans, on lui diagnostique une rétinite pigmentaire. « Cela a été une surprise mais j’ai toujours eu une faible acuité depuis la naissance », explique Vincent. Cette maladie conduit à une réduction progressive du champ visuel.

Après une période compliquée mais nécessaire pour s’accepter, Vincent se relance en créant notamment en 2010 une section handisport au sein de son club. Son entraîneur le voit toujours courir de la même façon. Son soutien et celui de sa famille vont permettre à Vincent de franchir des étapes et de s’investir dans les courses handisport. « La course à pied, c’est mon espace de liberté ! », confie Vincent.

Ce garçon réservé et pas très bavard dans la vie peut parler pendant des heures de course à pied. Il fait ses grands débuts dans le handisport en 2013. Il excelle dès la première année dans cet espace protégé où toutes les formes de handicap se retrouvent. Vincent devient alors champion de France sur piste du 5000 mètres. En 2014, sur la même épreuve, il termine à la troisième place. Il participe également au Marathon de Paris où il termine premier de la catégorie handisport debout en 2h53.

1000 kilomètres sur la piste

Depuis septembre, Vincent, suit très rigoureusement son plan d’entrainement pour préparer le marathon de la Rochelle, avec cinq séances par semaine. « Il a les mêmes plans qu’un coureur valide mais il effectue les séances à 90 % sur le stade, ce qui représente 1000 kilomètres sur la piste », analyse son entraîneur. Le mauvais état de la piste d’athlétisme n’a jamais altéré sa motivation. La piste c’est comme sa deuxième maison, probablement un endroit où il se sent en sécurité. Son père l’accompagne sur les séances longues, notamment pour lui annoncer ses temps de passage mais certainement aussi pour trouver le temps moins long. Il court beaucoup aux sensations. La préparation d’un marathon passe aussi par la mémorisation du parcours. Même s’il court avec l’aide d’un accompagnateur à vélo, il mémorise au maximum les changements de direction pour éviter de perdre trop de temps.

Quand un coureur suit le parcours d’une façon presque mécanique, Vincent, lui, cherche toujours son chemin. Pour son entraîneur, il perd sur un marathon entre cinq à dix minutes du fait de son handicap : « Il serait en-dessous de 2H48 ! » précise-t-il, admiratif. Vincent court sans profiter du paysage mais il s’y est habitué, il ne connait pas de frustration, il court autrement. La concentration doit être maximale pendant toute la course. Il se montre très attentif aux indications de son accompagnateur qui lui annonce les virages, les dos d’âne, les ravitaillements… Il y a des moments stressants, comme lorsque les motos se rapprochent, annonçant la proximité des coureurs élites qui ensuite le dépassent. Le départ anticipé des malvoyants et des non-voyants, Vincent le juge « nécessaire pour des raisons de sécurité ». Il évoque une expérience difficile lors du semi-marathon de Niort en 2013. Il avait alors pris le départ avec les élites. Rapidement dépassé par ces coureurs, il a paniqué, a eu peur de tomber, de faire tomber les autres. Submergé par les émotions, il a abandonné cinq cents mètres après le départ. Depuis, il fuit les courses sur route avec des coureurs valides.

Sous la barrière des trois heures

Ce 30 novembre 2014, à La Rochelle, Vincent a pris place sur la ligne de départ avec sept coureurs malvoyants et non-voyants, dont deux féminines. La plupart de ces coureurs étaient accompagnés d’un guide. Vincent, lui, n’est pas autorisé à courir avec un guide, du fait de sa catégorie. Il fait la course avec un accompagnateur à vélo choisi par l’organisation qui prendra place derrière lui. Tout devant la ligne de départ, se placent les quatorze athlètes en fauteuil qui arrêteront leurs efforts au bout d’une boucle, l’équivalent d’un semi-marathon. Ces sportifs vont partir cinq minutes avant les 5740 participants du marathon et vont bénéficier d’encouragements amplifiés. Vincent parle beaucoup de sa course mais s’attarde peu sur sa victoire. Il est un peu déçu de son chrono, 2H54, mais essaie de relativiser.

Comment ne pas être admiratif devant tant d’abnégation et d’humilité ? L’exploit sportif est bien réel : descendre en-dessous de la fameuse barrière des trois heures sur un marathon donne une idée du très bon niveau sportif de Vincent, mais y parvenir avec toutes les difficultés rencontrées par un malvoyant, cela reste admirable. Il minimise presque sa première place : « Il y a peu de malvoyants et de non-voyants qui font de l’endurance ». À partir de janvier, ce sportif va reprendre l’entrainement pour préparer sa saison sur piste en handisport : championnat de France en salle fin février, championnat de France interclubs en mai et puis le championnat de France sur piste en juin. L’essentiel pour Vincent est de continuer à courir malgré sa maladie, dont il ne connait pas l’évolution.

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