A l’occasion de la journée mondiale des troubles bipolaires, nous rediffusons aujourd’hui notre article issu de la série « travailler avec un collègue en situation de handicap ». Comment définit-on les troubles bipolaires ? Quels sont les principaux préjugés ? Comment se traduisent-ils dans le milieu professionnel ? Éléments de réponses dans notre article.
Les troubles bipolaires en quelques mots
Les troubles bipolaires sont des troubles affectant l’humeur d’un individu. Plus précisément, il s’agit d’une maladie d’origine héréditaire ou environnementale (stress, traumatismes d’enfance…) qui affecte, dans le cerveau, le siège des émotions et surtout son contrôle. Les émotions peuvent devenir trop fortes et sont susceptibles d’affecter le système de pensée, et ainsi altérer sa perception du monde réel.
L’humeur d’un bipolaire peut-être :
- soit relativement stable comme tout un chacun,
- soit dépressive, c’est-à-dire que les émotions prégnantes sont dites « négatives » (tristesse, peur, irritation, honte, dégoût de soi, etc.)
- soit exaltée (sur-confiance en soi, euphorie, sentiment de toute puissance, accélération des idées, dépenses excessives, libido exacerbée, idées mystiques, propos incohérents, hallucinations…).
Une personne atteinte de ce handicap connaîtra des hauts et des bas beaucoup plus intenses émotionnellement, sans explications ou évènements forts de la vie susceptibles de modifier l’humeur. Avec les traitements actuels, les périodes stables sont plus courantes que par le passé, et il n’est pas rare qu’un bipolaire soit, non pas « guéri », mais « stabilisé ».
Le parcours de vie d’un bipolaire est constituée de ces différentes phases. Il a ce qu’on appelle des « cycles » d’humeur. Il n’y a pas de règles en termes de durée. Il peut être stable pendant une dizaine d’années, puis rechuter. Les cycles d’humeur peuvent être saisonniers. Il est possible également qu’un bipolaire éprouve dépression et exaltation dans la même journée. Chaque cas est différent.
En termes d’intensité, la dépression peut être légère à modérée (elle dépasse tout de même un simple « coup de cafard ») à sévère (mélancolie profonde, caractérisée par la présence omniprésente de la mort, sous une chape de culpabilité et de honte). De même l’exaltation peut être légère (hypomanie : c’est un état d’humeur souvent recherché car la séduction devient très facile, la faculté de faire des projets également) … Mais est susceptible de dégénérer dans l’exaltation sous forme aigüe, l’état maniaque, état dangereux pour soi-même comme pour autrui.
Quelle part de la population est atteinte de troubles bipolaires ?
En France, on dénombre 1 000 000 personnes atteintes de troubles bipolaires de type I (ayant eu des accès d’état maniaque), soit 1.5 % de la population adulte. Si on inclut les troubles bipolaires de types II ou III le nombre de personnes atteintes s’élève à 4 800 000 soit 7 % de la population. Il faut également prendre en compte que l’on considère que 40 % des personnes dépressive sont en réalité des bipolaires qui s’ignorent.
Qui sont les personnalités atteintes de ce handicap ?
De nombreuses personnalités sont atteintes de troubles bipolaires, parmi-elles nous pouvons citer :
- Vincent Van Gogh, peintre
- Emile Zola, écrivain
- Jimi Hendrix, chanteur et musicien
- Sting, chanteur
- Catherine Zeta-Jones, actrice
- Jim Carrey, acteur
Cette liste est non-exhaustive et pourrait être complétée par les célébrités n’en parlant pas.
Quels sont les préjugés les plus courants quant à l’efficacité professionnelle des personnes atteintes de troubles bipolaires ?
Peu de bipolaires déclarent à leur employeur leur maladie. De plus, le diagnostic de la maladie s’effectue relativement tardivement, souvent à l’âge adulte, justement à cause des préjugés.
Certaines personnes atteintes de ces troubles et ayant déclaré leur maladie se sont retrouvées licenciées aussitôt, pour faute professionnelle imaginaire. Dans ce genre de situation, il est clair que les préjugés prennent le pas sur toute considération rationnelle.
Un état maniaque peut être perçu de manière négative. Les propos incohérents, la fébrilité heurtent. Les gens peuvent prendre peur, cela est tout à fait légitime. Beaucoup de professionnels arrivent quand même à « passer » dessus. Une relation socioprofessionnelle normalisée de quelques mois suite à l’accident suffit généralement. La difficulté vient souvent des managers qui n’arrivent pas à faire confiance, et restent bloqués sur une image du passé, une attitude passagère hors normes sociales et ce même après une longue période de stabilité.
Une dépression légère ou modérée reste acceptable professionnellement pour l’entourage. Certes, l’efficacité n’est pas à 100 % (mais cela concerne plus de cas tels que les personnes dépressives ou en burn-out…). Le bipolaire reste suffisamment « comédien » pour masquer (même si cela lui prend beaucoup d’énergie) sa dépression.
Une dépression plus lourde est réellement handicapante. Les gens ont du mal à distinguer un discours du bipolaire dépressif, régulièrement négatif, et donc « désagréable » à entendre, et la personne, qui est tout simplement en train de vivre des moments vraiment difficiles. Là encore, le jugement moral fait des dégâts, et n’arrange absolument pas la situation, bien au contraire.
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Quels sont les symptômes courants que l’on retrouve dans le monde du travail ?
De manière générale, avant stabilisation du bipolaire, les phases dépressives sont beaucoup plus longues que les phases exaltées. Dans ces moments, la personne aura du mal à démarrer des activités et tout simplement à être de bonne humeur au travail. Mais comme dit précédemment, il consacrera une certaine dose d’énergie à se maintenir à niveau et à faire le nécessaire en termes d’échanges socioprofessionnels.
En accès maniaque ou dépression sévère, l’arrêt maladie est nécessaire. Suivant le niveau de gravité du trouble, cela peut être ponctuel (quelques mois d’arrêt maladie) ou plus régulier. Dans ce dernier cas, des aménagements de poste peuvent être nécessaires (mi-temps thérapeutique, par exemple).
Un bipolaire stabilisé ayant suffisamment d’expertise sur sa maladie (notamment sur les symptômes précurseurs de rechute en état hypomaniaque ou maniaque, symptômes spécifiques à chaque bipolaire) n’aura pas de handicap pour travailler.
Il n’est pas rare que les personnes atteintes de ces troubles occupent des postes à responsabilité, ou soient beaucoup plus efficaces que la moyenne. De plus, ils sont hypersensibles et créatifs : cette maladie apporte ces traits de caractère, qui peuvent apporter une réelle plus-value dans le monde professionnel.
Quelles sont les réelles difficultés des personnes atteintes de troubles bipolaires ?
En voici les principales :
- La perte de contacts sociaux et affectifs est à la fois cause et conséquence de la maladie. L’isolement amène ou consolide la dépression ou amène même un virage maniaque, la dépression freine le bipolaire à reprendre contact.
- Perte d’identité : le bipolaire perd ses points de repère. Les émotions en phase dépressive ou maniaque sont perçues comme réelles, les actes et paroles exprimées en ces moments deviennent alors l’expression de sa « réelle » personnalité. Il faut vivre une période de stabilité suffisante pour prendre de la distance vis-à-vis de cette « réalité », et comprendre que la maladie n’est qu’une facette, la personne étant avant tout une personne humaine avec ses qualités, défauts, envies…
- Rechutes / arrêts de traitement. De manière courante il faut 2-3 états maniaques pour que le bipolaire considère le traitement médicamenteux comme une absolue nécessité et l’évitement de l’état maniaque comme une priorité. Les états maniaques étant caractérisés souvent par un sentiment d’euphorie et de bien-être, il faut apprendre à combattre… la nostalgie de ces moments.
- Conséquences de l’état maniaque : licenciement, divorce, endettement… Souvent tout cela en même temps. La maladie détruit des couples, brise des carrières professionnelles. Ces conséquences ont souvent pour effet un virage en humeur dépressive sévère.
- Conséquences de l’état dépressif : toute action de vie (formalités administratives, ménage, cuisine, hobbies, rencontres, aller au travail, etc…) devient difficile à réaliser. Séduire une personne, se vendre en entretien professionnel deviennent impossibles.
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