Malgré plusieurs dispositifs d’aide et d’accompagnement, 80 % des personnes avec un Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) en âge de travailler n’ont pas d’emploi. Et cette situation pourrait bien rester inextricable… La rédaction de Talentéo vous dit tout sur l’état actuel de ce trouble dans le monde professionnel.

Emploi et TSA : quel état des lieux ?

En France, selon la Haute Autorité de santé, 600 000 personnes présenteraient un trouble du spectre de l’autisme. Souvent caractérisé par un déficit des interactions sociales et parfois de la communication verbale et/ou non verbale. Mais aussi défini par le caractère restreint et répétitif des comportements et des intérêts ainsi que par des particularités sensorielles. Il est important de noter qu’il existe autant de spectres de l’autisme que de couleurs de l’arc-en-ciel. La moitié de ces personnes se destine ou prend une part active au marché du travail ordinaire. Selon l’association Autisme France, seulement 15 à 20 % des personnes autistes sont en emploi.

Patrick Maincent de l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés (Unapei) de confirmer ces chiffres : « dans la réalité, très peu de personnes autistes ont accès au travail en Europe. On considère que 75 % à 90 % des personnes autistes sont très éloignées de l’emploi. En France, on doit d’ailleurs être plus près de 90 % ». Et il précise : « ce qui s’explique avant tout par le manque de connaissance, de ce que sont ces personnes, de leurs compétences, de leurs difficultés aussi ».

Dix domaines d’excellence

Les personnes avec un TSA sont dotées d’une forte capacité de mémorisation et certaines d’entre elles sont capables de traiter un grand nombre de données. Elles sont souvent décrites comme étant perfectionnistes, méticuleuses, persévérantes, ponctuelles et respectueuses des règles. En 2017, dans son rapport sur le devenir professionnel des personnes autistes présenté au gouvernement, le philosophe et écrivain autiste Josef Schovanec listait dix domaines dans lesquels les personnes avec un TSA pouvaient exceller : l’armée (analyste de données), l’informatique (codeur et développeur web, analyste), la rédaction et la traduction, le contact avec les animaux, l’art et l’artisanat, les métiers de bibliothèque, la mécanique, la restauration / hôtellerie, les métiers liés au secteur de l’autisme, les métiers dits « traditionnels » et les métiers utilisant des savoirs anciens.

De manière plus générale, l’auteur explique. « Il n’y a pas, a priori, de métiers adaptés ou inadaptés pour les personnes en situation de handicap. Toutefois, on pourrait dégager des tendances. En effet, plus un métier fait appel au relationnel, moins il y aura d’autistes en mesure de s’y épanouir. Plus le métier fait appel à la régularité, tant des tâches que des horaires, plus il sera en phase avec la majorité des autistes. Plus curieux : les histoires réussies d’inclusion d’autistes ont souvent eu lieu sur des créneaux de niche avec des procédures de recrutement atypiques, des métiers auxquels on ne pense jamais, ou alors là où il n’y a que très peu de personnes disposant potentiellement des compétences requises. »

photo d'engrenages tenus par plusieurs personnes - TSA

Quelles adaptations de poste pour une personne avec un TSA ?

Côtés difficultés, il y en a. Ces personnes peuvent ne pas comprendre des consignes si celles-ci sont formulées de manière trop générale et abstraite. Elles peuvent être gênées dans un environnement non adapté, par exemple trop lumineux, ou trop bruyant. Elles sont également sujettes au repli sur soi et n’osent pas demander en cas de besoin. Enfin, en cas de changements imprévus, elles peuvent se montrer inflexibles et extrêmement stressées. Autant d’aléas qui peuvent être évités grâce à un bon accompagnement du collaborateur, mais aussi du reste de l’équipe. Josef Schovanec préconise qu’il y ait une personne au sein de la structure qui se désigne pour être l’unique interlocuteur du collaborateur avec un TSA en cas de besoin.

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Des dispositifs pas assez spécifiques

Pour améliorer l’employabilité des personnes avec un TSA, divers dispositifs ont été mis en place. Les prestations d’appui spécifiques (PAS), visent à apporter à la personne en recherche d’emploi ou à son employeur si elle est en poste, un appui expert « diagnostic et préconisation », dans le cadre de la définition d’un projet professionnel, de l’intégration en emploi ou en formation, du suivi en emploi ou du maintien en emploi.

Mais selon Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France, cela présente deux problèmes : « D’abord, il n’existe pas de PAS Autisme. L’aide n’est donc pas ciblée. Et les personnes autistes n’ont pas toujours les compétences pour remplir un dossier de PAS. C’est compliqué. » Elle suggère de développer un groupe de travail au sein même du PAS Troubles du NeuroDéveloppement, dans lesquels a été classé l’autisme. Ce groupe s’appuierait sur les usagers et définirait leurs attendus en termes d’accompagnement et d’emploi.

Quels accompagnements pour l’inclusion ?

Quant au DEA, le Dispositif d’Emploi Accompagné, lui non plus ne convainc pas la présidente d’Autisme France. Rappelons qu’il s’inscrit dans une temporalité longue puisqu’il est à durée indéterminée. Il propose un accompagnement par un expert de ces troubles, de la personne dans le cadre de sa recherche d’emploi, mais aussi de son employeur, voire de ses collègues quand elle est en poste et ce sans date de fin.

Danièle Langloys déplore qu’il n’y ait que 17 % des DEA dédiés à l’autisme. « Déjà, il est difficile de trouver une entreprise, ensuite une entreprise qui « colle » avec la personnalité du ou de la candidate et puis il faut un gros suivi pour ces personnes, car les besoins changent suivant les situations au cours d’une carrière. Il faut des moyens importants ». Elle est rejointe par Josef Schovanec. « L’inclusion demande un investissement massif sur le plan humain, et ce dans la durée » assure-t-il. « Le malheur étant que les accompagnateurs professionnels compétents et expérimentés dans l’autisme sont rares. Les entreprises qui en ont les gardent, telle la poule aux œufs d’or. Il serait urgent de créer des filières de formation pour ces métiers ».

Plus de moyens et davantage d’accompagnants formés

Ainsi, Danièle Langloys apparaît assez pessimiste sur la question de l’emploi des personnes avec un TSA. Si elle se réjouit de constater que de plus en plus d’entreprises contactent l’association pour demander des conseils pour intégrer une personne autiste, elle souligne également que ce n’est pas normal qu’Autisme France reste leur seule interlocutrice. « Les entreprises restent frileuses, car elles n’ont pas de soutien », constate-t-elle amèrement. Autre point soulevé : il y a des initiatives, mais celles-ci restent ponctuelles et localisées et ne sont pas reprises au niveau national. Du côté des ESAT, cela manque d’éducateurs formés spécifiquement et le taux d’encadrement de 1 pour 10 n’est pas suffisant.

À l’autre bout du spectre autistique, certains parviennent à travailler, comme le rappelle Danièle Langloys, notamment au sein des Foyers d’accueil médicalisés (FAM) et des Maisons d’accueil spécialisées (MAS). « Mais on n’arrive pas à les financer parce que d’un point de vue administratif, si vous êtes dans un FAM ou d’un MAS c’est que cela signifie que vous êtes inapte au travail alors que ce n’est pas toujours le cas. Certains peuvent faire du tri ou encore s’occuper du ramassage des feuilles. »

On l’aura compris, la solution se résumerait ainsi : plus de financement, un accompagnement sur la durée, spécifique à chacun, et davantage d’accompagnants formés à l’autisme. De gros chantiers en perspective pour une inclusion réussie.

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