Notre partenaire Handirect est allé à la rencontre de Philippe Lambert, DRH au sein du groupe Hays France et Luxembourg. Le thème de l’interview ? RQTH et recherche d’emploi. Quels comportement adopter ? Quelles démarches entreprendre ? Suivez le guide !
Tout d’abord, un candidat en situation de handicap peut-il organiser sa recherche d’emploi de la même manière que tous les autres candidats ? Ou doit-il d’emblée adopter une méthode différente ?
Chez Hays, on part du principe qu’un candidat en situation de handicap est un candidat comme un autre, avec un profil et des compétences qui lui sont propres. C’est en fonction de ces éléments positifs qu’il doit organiser sa recherche, et pas tellement en fonction de son handicap. Celui-ci est une caractéristique supplémentaire, et sa RQTH peut éventuellement être un plus pour des postes sur lesquels les entreprises reçoivent beaucoup de candidatures.
Dans tous les cas, le candidat doit toujours valoriser ses compétences avant de mettre en avant son handicap. Donc, un candidat qui dispose de la RQTH doit organiser sa recherche comme quelqu’un d’autre, notamment en utilisant les moyens habituels : consultation d’offres et réponses aux annonces, candidatures spontanées, développement d’un réseau, utilisation des réseaux sociaux… Il n’y a pas de grandes différences à ce niveau-là.
Comment choisir entre les sites Internet généraux et les sites Internet spécialisés ? Faut-il donner la priorité aux banques de CV en ligne et sites d’offres d’emploi réservés aux travailleurs handicapés ?
Le mieux est d’utiliser aussi bien ces deux options. Les sites Internet généraux ne proposent pas forcément les mêmes annonces que les sites spécialisés, et consulter les deux types de plateformes permet d’élargir la recherche et d’accéder à davantage d’offres d’emploi que les candidats ne bénéficiant pas de la RQTH. Après, cela dépend aussi de chaque profil et des spécificités de chacun. Un candidat qui a un handicap lourd et un niveau de compétences faible aura peut-être plus de chances de trouver une offre qui lui correspond sur un site réservé aux candidats reconnus travailleurs handicapés.
En revanche, pour un candidat très qualifié dans un domaine ou sur une compétence très recherchée par les entreprises, il sera utile de se tourner vers les sites généraux ou d’envoyer des candidatures spontanées. Tout dépend donc du profil, des compétences, et de la recherche de chaque candidat.
Dans quels cas un candidat doit-il faire appel à des organismes spécialisés tels que l’Agefiph ou Cap emploi ?
Là aussi, le choix doit se faire en fonction du profil de chaque candidat, du secteur dans lequel il recherche un emploi, de ses compétences et de son niveau de handicap. Faire appel à ces organismes peut par exemple s’avérer très pertinent lorsqu’un candidat trouve peu d’annonces lui correspondant ou rencontre de grandes difficultés liées à son handicap lors de sa recherche.
Cela peut également être utile pour un candidat qui vise un poste sur un secteur très concurrentiel, la RQTH peut alors lui permettre de se distinguer : Les entreprises ont parfois du mal à respecter leur obligation d’embauche de 6 % de travailleurs handicapés – entreprises de 20 salariés et plus – , notamment dans des secteurs très spécifiques ou sur des postes hautement qualifiés. Embaucher un candidat bénéficiant de la RQTH plutôt qu’un autre peut les aider à mieux remplir cette obligation, et le cas échéant leur permettre d’obtenir des subventions – aides à l’embauche, adaptation de poste…
Comment repérer les entreprises qui recrutent… et qui n’ont rien contre les travailleurs handicapés ?
C’est quelque chose d’extrêmement difficile à repérer pour les candidats. Sur leur site Internet, la plupart des entreprises indiquent automatiquement qu’elles ne font aucune différence entre les candidats, qu’ils soient ou non en situation de handicap. Mais concrètement on sait que la réalité est souvent un peu différente. Il n’existe pas de règles en la matière et la situation peut être très variable d’une entreprise à l’autre, y compris pour deux entreprises qui s’inscrivent dans le même secteur d’activité.
Cela dépend également de l’état des quotas dans chaque entreprise : une société qui ne respecte pas son quota et cherche à l’atteindre pourra être plus favorable à l’embauche de travailleurs handicapés. En résumé, il ne suffit pas de s’arrêter à ce qui est écrit sur un site et on ne peut réellement connaître la politique des entreprises qu’au fur et à mesure des recherches et de l’expérience.
Que pensez-vous des réseaux sociaux : peut-on ou doit-on les utiliser dans le cadre d’une recherche d’emploi ?
Le réseau au sens large est souvent un outil très important pour la recherche d’emploi et le recrutement. Utiliser les réseaux sociaux, c’est retrouver son propre réseau et l’élargir. En somme les objectifs restent à peu près les mêmes : développer son réseau. Cela peut donc être bénéfique. Là encore tout dépend du profil de la personne.
Globalement, on observe que LinkedIn et Viadeo sont plus utilisés par des personnes ayant un bagage universitaire, mais cela reste propre à chacun. Comme sur un job board, on doit utiliser les réseaux sociaux pour mettre en avant ses compétences… avant sa RQTH.
E-mail, lettre manuscrite, banque de CV en ligne, téléphone… Quelle est la meilleure manière de faire une candidature aujourd’hui ?
Pour ce qui est de la lettre manuscrite, elle n’est pas complètement dépassée, mais elle n’est pas forcément conseillée dans le cas d’une candidature auprès d’une grande entreprise : elle peut renvoyer l’image d’une personne qui ne maîtrise pas l’outil informatique. Et comme beaucoup de grands groupes structurent les candidatures sous forme informatique, il y a aussi un risque de se retrouver hors circuit, car le recruteur ne va pas systématiquement prendre le temps de numériser les CV reçus par la Poste pour les ajouter à sa banque de profils.
À l’inverse, une candidature numérique – mail ou dépôt de CV – peut circuler facilement d’un service à l’autre et montre une bonne utilisation des technologies informatiques.
Ceci dit, la lettre manuscrite reste pertinente pour des candidatures auprès de petites entreprises car elle peut tout à fait tomber directement dans les mains du recruteur, et, de fait, se distinguer des autres demandes. En cas de doute, il est également possible d’envoyer une double candidature – mail et postale – aux entreprises pour lesquelles la motivation du candidat est la plus forte, ce qui peut aussi témoigner d’un intérêt prononcé, sans prendre le risque de sortir du processus informatique.
Pour de petites sociétés, le téléphone peut également être une bonne alternative. Le candidat peut appeler, se présenter, expliquer qu’il recherche un emploi dans tel ou tel domaine, indiquer ses compétences et éventuellement préciser à la fin de l’échange qu’il dispose de la RQTH.
En tout les cas, la multiplication des façons de proposer une candidature et de recruter ne doit pas éliminer les solutions plus anciennes.
Comment mentionner son handicap suivant que l’on fait une candidature pour une offre réservée RQTH ou pour une offre classique ?
Lorsque l’on répond à une offre réservée aux candidats RQTH, celle-ci est une condition qui va de soi. Il faut donc la mentionner de la même manière que les autres informations administratives.
Pour des candidatures classiques, je conseille d’indiquer la RQTH dans le CV comme tout autre information de type État civil – permis B, âge… – . Normalement c’est quelque chose qui ne devrait pas être déterminant pour le recrutement. La RQTH n’est pas l’argument numéro un. Par la suite, elle peut toutefois représenter un plus du fait des avantages qu’elle peut ouvrir à l’entreprise qui l’embauche. Ainsi le candidat peut ajouter à la fin de sa lettre de motivation qu’il bénéficie de la RQTH et alors présenter son handicap comme un élément positif pour l’entreprise – pourcentage d’embauche… mais surtout pas comme un service qu’il demanderait, il ne s’agit pas de faire appel aux sentiments et à l’affect.
Jusqu’où faut-il préciser la nature du handicap ? Qu’est-ce qui doit figurer en ne pas figurer ?
Il n’est pas nécessaire de détailler la nature du handicap sur le CV et la lettre de motivation. Cela reviendrait déjà à mettre en avant le handicap par lui-même. Si le handicap doit être précisé et/ou nécessite des adaptations de postes particulières, il vaut mieux évoquer ce sujet à la fin de l’entretien, lorsque tout s’est bien déroulé. Donner des précisions dès l’envoi de la candidature fait courir le risque de compliquer les choses aux yeux de l’employeur.
Est-il obligatoire, recommandé, ou déconseillé de mentionner son handicap lors d’une candidature classique ? De nombreux candidats ont le sentiment d’être mis de côté des lors qu’ils font mention de leur RQTH…
Rien n’oblige quelqu’un à dire qu’il est reconnu travailleur handicapé, d’autant plus que la majorité des handicaps ne sont pas visibles. Ceci dit, je recommande tout de même de le dire, car aujourd’hui les sociétés sont plutôt à la recherche des travailleurs handicapés, ayant souvent du mal à respecter l’obligation d’embauche et à trouver les bonnes personnes sur certains postes.
Comme indiqué plus tôt, l’essentiel c’est de parvenir à présenter cet élément sous un angle positif, en démontrant l’atout que cela représente et le plus que cela peut apporter à l’entreprise. D’ailleurs, pour un candidat en recherche d’emploi bénéficiant de la RQTH, il est préférable de bien connaître les grandes lignes et intérêts de cette reconnaissance, afin de pouvoir en parler sans difficulté devant des recruteurs.
En entretien, si la RQTH n’a pas été évoquée dans la lettre et le CV, il est toujours possible de l’évoquer simplement à la fin, comme une précision, tout en indiquant aussi si le handicap nécessite une adaptation de poste.
Attention également : il n’y a rien de pire que de donner l’impression de cacher son handicap un recruteur. Il risque d’autant plus de se poser des questions et de s’inquiéter.
Un candidat qui pense avoir été clairement victime de discrimination à l’embauche du fait de son handicap a-t-il des moyens de recours ?
Juridiquement il existe un recours, qui consiste à saisir le Défenseur des droits, anciennement la Halde. Mais concrètement c’est assez délicat et je ne suis pas très partisan des contentieux. À l’heure des réseaux sociaux, les informations circulent très vite et monter un procès est une démarche assez risquée en termes de réseau. Dans un premier temps, il vaut mieux essayer de s’en sortir par des petites réclamations, à l’entreprise ou au PDG, plutôt que se lancer dans un contentieux.
Pensez-vous que certains secteurs sont plus enclins que d’autres à recruter des candidats reconnus travailleurs handicapés ?
Cela dépend toujours du profil. Tous les secteurs sont susceptibles de recruter des travailleurs handicapés.
Les secteurs à la recherche de profil très qualifiés et ceux où les adaptations de postes nécessaires sont minimes ou faciles à mettre en œuvre peuvent effectivement offrir des opportunités, mais pas seulement.
Cela dépend aussi du type de handicap de chacun. Par exemple, dans le cas d’un handicap physique, il pourra être plus facile d’adapter des postes dans le secteur des services, en bureau, sur des plateaux… Alors que cela pourra être plus compliqué dans le secteur du BTP. Mais encore une fois, on peut difficilement dresser des généralités sur cette question car tout dépend du profil de chaque candidat et des attentes de chaque recruteur.
À compétences égales, chaque employeur va avoir sa propre logique et sa façon à lui de recruter. Pour le travailleur handicapé il y a aussi une part de hasard : faire sa demande au bon moment, au bon endroit, au moment où l’entreprise recrute.
Elle témoigne !
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