Handicap et carrière professionnelle seraient incompatibles ? Préjugé ! Pour vous le prouver, nous avons rencontré Virginie Delalande. Elle nous raconte sa conciliation entre sa surdité et son parcours, parfois difficile, en tant qu’avocate puis juriste. 

Pouvez-vous présenter votre parcours ?

J’ai eu un parcours professionnel plutôt éclectique, en partie lié à ma vie personnelle.

Après avoir travaillé 18 mois en tant qu’avocate-stagiaire, je suis partie vivre près de Genève, une région que j’adore pour sa qualité de vie. Je n’ai pas pu y exercer la profession d’avocat car la Suisse ne faisant pas partie de l’Union Européenne, mon diplôme n’était pas reconnu. Côté France, je ne trouvais pas non plus des opportunités qui m’intéressaient. J’ai donc été juriste dans une compagnie d’assurance suisse et membre de son conseil d’administration plusieurs années.

De retour à Paris quelques années plus tard, je me suis demandée quoi faire : reprendre la robe ou continuer comme juriste. Ayant deux enfants sourds, et voyant mes amis avocats faire des horaires à rallonge sans aucune vie privée j’ai finalement choisi de rester juriste J’ai donc à nouveau intégré le service juridique du siège d’une compagnie d’assurance prestigieuse et ai travaillé dans un contexte international.

Ce poste était difficile car aucun aménagement n’était possible dans un environnement hautement confidentiel. Je ne pouvais assister aux réunions qui se faisaient en anglais et/ou par téléphone car je ne comprenais rien et perdais clairement mon temps. Par la force des choses, j’étais donc reléguée aux activités de back-office et ne voyais pas vraiment d’évolution professionnelle.

Je me sentais frustrée jusqu’au jour ou une personne m’a dit « Virginie, fais quelque chose dans lequel tu peux apporter beaucoup à ta boite… » Après 9 mois de réflexion, j’ai finalement rejoint le service marketing de la filiale française de cette entreprise pour lui permettre de devenir une compagnie d’assurance « handicap friendly ».

Nous avons revu ensemble la gamme de produits auto et habitation pour les adapter aux besoins des clients en situation de handicap, le parcours client, les outils digitaux, ou encore l’accueil client en agence. C’était une aventure passionnante !

Puis, guidée par mon envie de mener une vie plus conforme à mes valeurs et mes rêves, j’ai quitté Paris pour vivre près d’Annecy, une ville dont je suis tombée amoureuse.

Vous avez été avocate, ce métier est-il difficile d’accès pour une personne en situation de handicap ?

Oui, c’est un métier qui nécessite de nombreux ajustements avec un handicap comme le mien. Nous sommes amenés à rencontrer de nombreuses personnes et majoritairement dans un contexte de stress.

A chaque fois, il fallait s’adapter à une articulation différente, sachant qu’il y avait un enjeu financier important derrière et que je ne pouvais pas me permettre de louper des informations essentielles. Heureusement, j’avais un atout de taille : ma compréhension fine du langage non verbal.

Parfois, la lecture labiale était aussi très pratique. Pour l’anecdote, j’avais participé à une réunion de négociation dans le cadre d’une cession d’entreprise et l’associé du cabinet dans lequel je travaillais avait un doute sur un point du dossier.

Il m’a discrètement demandé d’aller le vérifier, en me parlant sans le son, ce qui nous a permis de poser les bonnes questions et d’éviter à notre client acheteur une mauvaise surprise…

Que pensez-vous de l’accessibilité globale des études supérieures aux personnes en situation de handicap ?

A mon époque, il n’y avait aucune accessibilité en dehors du droit d’utiliser l’un des deux ascenseurs de l’université, mais quand tu n’es pas en fauteuil roulant…Bof !

Après 2 ans de débrouille, j’avais fini par négocier un accès gratuit à la photocopieuse pour pouvoir photocopier les cours de mes amis…

C’était la belle époque du système D ! Heureusement, j’ai eu la chance d’avoir de merveilleux amis sur qui je pouvais compter !

Nous avions d’ailleurs fini par mettre en place un système de troc : ils me passaient les cours, moi je les fichais en complétant avec des livres et les redistribuais…

Ainsi, je n’avais pas l’impression d’être le « boulet de service » toujours dépendant des autres, un sentiment que je n’aimais pas ressentir à l’époque !

D’ailleurs, quand je suis retournée à Assas l’an dernier pour le tournage de mon documentaire « l’éloquence des sourds », l’université avait mis en place de nombreux aménagements pour les étudiants en situation de handicap. Ça m’a fait plaisir de voir que les combats des anciens avaient fait évoluer les choses !

Votre handicap a-t-il déjà été un frein à votre intégration professionnelle ?

Oui bien sûr ! Dire le contraire serait mentir.

Quand on est sourd, c’est compliqué d’être un excellent professionnel lorsque la majorité des informations nécessaires sont fournies dans un contexte oral.

Beaucoup de choses passent ainsi à la trappe sans forcément qu’on s’en rende compte sur le moment… Je l’ai vraiment particulièrement ressenti lorsque j’étais dans un contexte international en voyant toutes les choses auxquelles je n’avais pas accès juste parce que je n’entendais pas.

Heureusement, ces deux dernières années, j’ai fini par bénéficier d’un aménagement de poste fabuleux qui m’a permis de déployer pleinement mes ailes !

Je pouvais téléphoner, organiser ou aller à des réunions avec plus de 3 personnes, être présente pour des conf-call, ou encore travailler sur des projets avec une quarantaine de personnes sans stress ni fatigue particulière. J’ai découvert le bonheur d’être totalement indépendante et libre !

Où en êtes-vous aujourd’hui ? Quels sont vos prochains projets ?

Aujourd’hui, je suis à mon compte en tant que coach pour aider les personnes en situation de handicap à révéler leur « Handicapower ».

Concrètement, je les accompagne pour trouver leurs propres solutions et un mode de vie dans lequel elles peuvent s’épanouir et déployer leurs talents. C’est vraiment une passion de voir les transformations et le bonheur qui en résulte !

Je propose également des formations et des conférences en entreprise. Mon message est qu’accueillir des personnes en situation de handicap et issues de la diversité dans son entreprise est tout sauf une action purement « caritative » ! Il y a de réelles opportunités stratégiques, business et RSE à la clé.

Quel message souhaitez-vous passer à nos lecteurs en recherche d’emploi ?

La recherche d’emploi est souvent vécue douloureusement par une personne qui a un handicap : se positionner face au regard des autres, se mettre en concurrence avec des personnes valides sur un même poste, trouver les mots pour convaincre…

Détendez vous, le handicap n’est qu’une facette de vous, il ne vous définit pas.

Mon conseil : travaillez vraiment votre confiance en vous, assumez votre handicap sereinement et mettez en avant les atouts que celui-ci vous a apporté.

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