Femme d’un homme ayant subi un traumatisme crânien, la vie de Barbara Halary-Lafond a basculé. Parce que le chemin vers l’acceptation du handicap est le premier pas vers la reconversion, Talentéo a profité de la sortie du livre « La course de la mouette » pour une interview.

Le handicap survient souvent au cours de la vie. Il n’est pas toujours possible de retrouver le chemin de l’emploi pour les personnes auparavant actives. Cependant, suite à un handicap récent, toutes les personnes doivent faire face aux mêmes problématiques : la capacité d’adaptation, la résilience et l’acceptation du handicap. C’est ce qu’aborde Barbara Halary-Lafond dans son témoignage pour Talentéo.

« Etat neurologique végétatif », c’est ce qu’on vous a annoncé à la suite de l’accident de votre mari. Comment réagit-on à cette annonce ?

La première réaction, c’est le grand trou noir, comme si le ciel vous tombait sur la tête. On a l’impression d’être dans un mauvais film, comme si on parlait à une autre personne. La première réaction, c’est une sensation d’abattement très violent. Puis, il est temps d’être dans l’action plutôt que de rester dans la réflexion, pour réagir et essayer d’aller au-delà du diagnostic qui ne pouvait pas être plus sombre.

Finalement, comment a évolué le diagnostic ? Qu’est-ce qui fait que votre mari s’en est mieux sorti que prévu ?

Pendant plusieurs jours, le diagnostic a été similaire. L’entourage s’est rapidement mobilisé, à côté de ma présence permanente. Le soutien fait beaucoup de bien. Suite à un accident, puis des complications, on m’a parlé de mort cérébrale. Au début, on ne vit pas, on doit faire face au quotidien. Ainsi, j’ai dû concilier la gestion de mon agence d’hôtesse avec la vie familiale. Dès le début, j’ai cherché à stimuler au maximum le cerveau de mon mari, avec de la musique ou en mettant des matchs de tennis en fond sonore, et je suis persuadée que cela a été efficace. J’ai décidé de continuer à parler du quotidien, les amis apportaient de la joie. Le combat permet véritablement de s’en sortir. Le mental est essentiel. Mon mari est un grand sportif. « La dernière balle n’est pas lâchée, ce n’est ni gagné ni perdu ». La rééducation a été très longue, après un an sans bouger, il a fallu réapprendre les gestes du quotidien et réapprendre à parler. Aujourd’hui, il marche et fait même du vélo d’appartement, et est accompagné par deux auxiliaires de vie. Etant aveugle, il suit une rééducation longue, prise en charge par la fondation Rothschild toutes les semaines pour essayer de retrouver la vue. Il n’a plus de mémoire ni de repère spatio-temporel. S’il ne pourra jamais retrouver le chemin de l’emploi, mon mari reste actif tout en étant dépendant.

Comment avez-vous adapté votre quotidien ?

Il faut s’adapter à lui et en même temps il ne faut pas vivre comme dans un hôpital à la maison. Les enfants sont source de vie et c’est une très bonne chose, il faut garder les mêmes habitudes. Après 22 mois d’hospitalisation, le retour dans un monde plus réel n’est pas facile, on se dispute et hausse le ton… Néanmoins, le mieux, c’est d’être ensemble, d’apprendre à vivre avec un père et un mari différent. Il faut s’adapter à lui, et maintenir des moments communs. Accompagné par deux auxiliaires de vie, le quotidien est facilité, néanmoins c’est aussi deux personnes qui sont, de fait, présentes dans la famille. Il faut apprendre à voir son quotidien bouleversé.

Comment s’est adapté le regard de votre entourage vis-à-vis de votre mari ?

L’accident a eu lieu en 2008. Si la situation a été compliquée, il a fallu s’adapter. Les échanges sont devenus différents. J’ai fait le choix de faire une thérapie familiale, afin que ma famille soit tolérante et à l’écoute, mais je pense que j’ai pris cette décision trop tôt. Chacun a son propre ressenti et n’évolue pas à la même vitesse, l’important est d’être dans l’acceptation. Aujourd’hui, c’est intégré, mais la situation n’est toujours pas acceptée car la sensation d’injustice reste présente. Un de mes enfants n’osait pas inviter ses amis car son père était différent, hors norme. Cela a pris du temps, mais finalement l’acceptation forte de l’entourage et la positivité ont été moteur. Il y a toujours une différence entre ce que les gens pensent et la réalité. Il faut passer des caps, le temps fait son œuvre. Il ne faut pas trop brusquer mais être dans la proposition. La thérapie familiale a permis d’ouvrir des verrous même si c’était imposé. Je pense qu’il ne faut pas être trop pudique face à ses émotions. J’ai mis un « masque » pour rester gaie après l’accident, mais finalement, pour accepter, il faut aussi savoir parfois lâcher prise.

Toutes les situations de handicap ne sont pas aussi graves. Que conseilleriez-vous à quelqu’un qui se trouve subitement en situation de handicap et qui doit passer par les mêmes étapes que votre mari ?

Je pense qu’il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, à compter sur la solidarité. Je pense qu’il y a une mauvaise pudeur car les gens sont déstabilisés face à un accident, à la différence. Pour la personne concernée comme pour l’entourage, demander de l’aide, solliciter et accepter permet de rester actif. Il faut rester dans un milieu de vie : associations, sport ou hobby. Aujourd’hui, mon mari sculpte, fait de la cuisine et du théâtre d’improvisation. Se tourner vers l’extérieur est essentiel, prendre le temps de découvrir de nouvelles choses. L’homme n’est pas un loup solitaire et on se nourrit de la meute. Rester en contact de gens positifs aussi, et je ne supporte pas la sensation de faire pitié. Pour moi, les vrais courageux sont les personnes en situation de handicap qui doivent retrouver une estime d’eux-mêmes. L’entourage est la colonne vertébrale, mais ils doivent intérioriser le changement. Je pense aussi qu’il faut avoir accès à des spécialistes du handicap. Qu’il soit visible ou invisible, il faut comprendre que le handicap peut avoir un véritable impact, comme, par exemple, le raisonnement qui peut être plus long.

Pourriez-vous nous parler de la course de la mouette ?

Etant très sportive, tombée dans la marmite dès mon plus jeune âge, je suis passionnée par la course à pied et j’ai participé à plusieurs marathons. Il y a 2 ans, j’ai couru pour une association et j’ai véritablement trouvé un sens à ma foulée. J’ai donc décidé d’organiser une course où l’on parlerait de l‘UNAFTC, l’Union Nationale des Associations de Familles de Traumatisés Crâniens. J’ai donc créé cette course et réunit un groupe de coureurs, pour la deuxième fois cette année. Handicap ou non, le sport apporte aux coureurs une vraie pugnacité et une envie de se surpasser incroyable. Cela agit sur leur image et sur leur mental. Se contraindre et s’entraîner peut, autre autres, permettre de se sentir plus à l’aise dans des entretiens de travail. Cela donne des ailes de mouette.

Merci à Barbara Halary-Lafond pour cette interview. Vous pouvez retrouver La course de la mouette sur Facebook.

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