Ce 2 avril marque la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Une journée qui vise à mieux informer le grand public sur les réalités de ce spectre. Anne, une lectrice concernée, a souhaité témoigner pour expliquer que l’autisme ne doit ne doit plus être considéré comme un trouble, mais une différence. Talentéo lui donne la parole.

Présentez-nous votre parcours professionnel

Mon parcours professionnel n’est pas séparé de mon parcours personnel. Les 3 mots qui caractérisent mon chemin de vie sont l’éclectisme, la liberté et le partage. Mon parcours a commencé en France (car j’y suis née), et s’est enrichi tout au long d’une soixantaine de voyages et séjours à travers le monde.

Je suis diplômée à la fois du MBA HEC, de l’École d’Ingénieur Polytechnique Féminine, d’Acupression et de Reiki. Ces univers paraissent opposés, or je les vois et vis comme complémentaires (comme le Yin et le Yang semblent s’opposer, alors qu’ils s’imbriquent et naissent l’un de l’autre).

Mes études d’ingénieur ont ancré mon goût pour la recherche, l’explication, le décorticage, la pensée structurée. Mon MBA m’a apporté une vision globale et concrète du monde économique dans lequel nous vivons.

Mon apprentissage de l’acupression et de la médecine traditionnelle chinoise a mis des mots sur la vision intuitive que j’avais du monde, des interactions, de l’être humain, de la spiritualité. J’ai intégré ces concepts et je les applique dans ma vie de tous les jours. Je les applique également dans mon travail, en plus des principes occidentaux plus yang appris à l’école et expérimentés dans le monde de l’entreprise.

Formation, enseignement, articles, livres : mon fil d’Ariane est le partage de la connaissance. Je suis à présent l’auteure de plusieurs livres pratiques et blogs dans le domaine du bien-être, en français et en anglais.

Vous êtes concernée par l’autisme Asperger. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette différence ?

Je suis en effet autiste Asperger, je suis donc concernée à 1000 %, et tous les jours ! J’ai pu enfin identifier ma différence il y a 3 ans seulement, à l’âge de 52 ans…

Depuis mon enfance je sens et je dis que je viens d’une autre planète. J’ai passé des décennies à essayer de comprendre cette différence, à chercher ma tribu, un groupe de la société avec qui je me sente bien, moi-même et complètement comprise. Lorsque j’ai rencontré des autistes Asperger il y a quelques années, tout s’est éclairé, tout a pris sens. Cette révélation, puis l’identification officielle un an après, ont été une libération et une joie intense !

L’autisme est un câblage neuro-sensoriel, qui fait que notre cognitivité est différente de la majorité. C’est exactement comme la différence entre Windows et iOS, un système d’opération différent. De plus nos sens sont extrêmement sensibles. Nous n’avons pas de filtres, tout ce qui vient de l’extérieur est amplifié et nous envahit. De même, ce qui est en nous doit sortir, et y apposer les filtres sociaux demande beaucoup d’efforts et d’énergie. L’incompréhension est courante, et c’est très frustrant.

L’autisme est un spectre, les autistes ont des manifestations et des sensibilités plus ou moins intenses. Cependant, nous partageons tous des caractéristiques noyaux : cognitivité orientée sur les faits, sensorialité exacerbée, intérêts intenses.

Il se manifeste dans toutes les sphères de l’intelligence. On ne parle que des autistes geeks, mais il y a aussi la créativité, l’art. Personnellement je vois tous les concepts en images, les conversations projetées dans mon cerveau comme sur un écran de cinéma. Je vois les chiffres et les jours de la semaine en couleur. Je sens les couleurs et je visualise les textures.

Quels sont les préjugés les plus courants que vous rencontrez au quotidien ?

Dans l’esprit des gens, car en effet c’est l’image véhiculée par les médias et malheureusement de nombreux « experts », les autistes sont tous des enfants, des garçons, qui ont un comportement bizarre permanent (répéter des litanies sans sens, se taper la tête contre un mur, avoir le regard vide) et ne sont pas autonomes.

Donc quand je dis que je suis autiste Asperger certaines personnes ne me croient pas. La phrase que j’entends le plus souvent  « Non ? Mais vous n’avez pas du tout l’air autiste ! ». Ils n’accordent aucune crédibilité à mes demandes simples (préciser les horaires, baisser le son, ne pas me toucher dans les files d’attente, etc) ou à mes explications sur ma franchise verbale ou le fait que je ne suis pas les codes communément admis.

L’autisme est associé au film extrêmement archaïque et préjudiciable « Rain Man », et le cliché général est que tous les Asperger sont des génies. Il y a confusion entre Asperger et syndrome du savant. Toutes les séries TV qui mettent en scène des autistes font l’amalgame. Et d’ailleurs le personnage autiste est toujours un garçon. De ce fait, y compris les autorités qui sont censées nous apporter leur aide, on croit que parce qu’on a un QI élevé tout va bien pour nous, la vie est facile, on n’a besoin de rien. Cela rend nos difficultés de logistique et de navigation dans ce monde qui nous paraît étrange encore plus difficiles à vivre, car elles sont ignorées.

Quels sont vos besoins dans le cadre professionnel ?

Lorsque j’étais salariée, travaillant dans un bureau, je trouvais insupportable de respecter des horaires fixes. Je brûle énormément d’énergie du fait de mon intensité interne naturelle et pour tout décrypter. J’ai besoin de me reposer quand je n’ai plus de ressources internes, sinon je vais droit à l’effondrement psycho-sensoriel. Je ne peux pas attendre le soir, je peux attendre quelques minutes au maximum.

J’ai également besoin de pouvoir travailler à n’importe quelle heure et n’importe quel jour, car je me plonge complètement dans les sujets, le bouillonnement dans ma tête doit absolument sortir ! Et de plus je préfère mettre à profit mon énergie quand elle est là.

Le niveau de bruit et de lumière, les mouvements, sont source de douleur. Ainsi, j’ai besoin de calme, et de ne pas interagir non-stop avec des humains.

Mais le pire ce sont les réunions. Ça dure des heures, ça part dans tous les sens, il faut décrypter ce qui est dit et non dit, on tourne autour du pot, et si plusieurs participants parlent en même temps ma tête explose. J’ai besoin d’aller droit au but, que les choses soient claires et concrètes, qu’on avance.

Maintenant que je suis à mon compte et que je travaille chez moi, je peux réguler au mieux mon temps et mon énergie psychique et intellectuelle. Je peux travailler quand je veux, je ne connais ni les week-ends, ni les jours fériés ni les vacances, je suis passionnée par mon travail et ne subit pas de limites. En parallèle je peux dormir le nombre d’heures dont j’ai besoin, faire une pause de 2 heures si j’en ai besoin et faire mes courses quand il n’y a personne dans les magasins (bruit, foule, l’horreur).

Qu’est-ce que la neurodiversité ?

La neurodiversité est le concept que les câblages différents tels que l’autisme sont une variation normale de la neurologie humaine, et non un dysfonctionnement et/ou une déficience. Comme pour la couleur de la peau et l’orientation sexuelle, par exemple. Une personne homosexuelle n’est pas un hétérosexuel dysfonctionnel, un autiste n’est pas un neurotypique dysfonctionnel.

Ces différences incluent la dyspraxie, la dyslexie, le trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention, la dyscalculie, le spectre autistique, le Syndrome de Tourette, etc. Cependant la reconnaissance de la neurodiversité est principalement portée par la communauté autiste.

Ce paradigme exclut par définition toute approche basée sur la maladie et le besoin de traitement. Nous n’avons pas besoin d’être guéris, nous ne sommes pas malades. Il n’y a pas de Trouble, de Syndrome, mais une façon différente de penser. Il n’y a pas de symptômes mais des signes et manifestations. Nos intérêts ne sont pas restreints. Nous avons au contraire une capacité hors norme à explorer les sujets et à en changer. Il n’a pas de déficience en communication mais un mode de communication différent, comme entre deux cultures (dont une seule a conscience de l’autre, d’ailleurs).

Pourquoi, selon vous, l’autisme ne doit plus être considéré comme un trouble, mais une différence ?

Ce n’est pas que selon moi, les autistes Asperger le répètent sans cesse !

Le meilleur exemple que je donnerais est Steve Jobs. Cet homme 100 % autiste Asperger voyait le monde tel qu’aucun neurotypique ne le voyait, il a réussi à faire vivre cette vision, et ce n’est pas un hasard si le slogan qu’il a choisi pour Apple est « Think different ». Ce slogan résume tout.

Le terme de « Trouble » est une projection de la communauté psychiatrique sur tout ce qui n’est pas « normal », et par « normal » ils entendent « pas dans la moyenne ». Combien d’autistes sont hospitalisés et contraints, encore maintenant ? Cette obsession du formatage a créé et crée encore bien des souffrances inutiles. Le monde a besoin des autistes, le monde a besoin de diversité.

Quel message souhaitez-vous passer à nos lecteurs ?

Les statistiques concernant le nombre d’autistes dans la population sont bien en-dessous de la réalité. Nombre d’entre nous ne sont pas identifiés. Vous côtoyez des autistes Asperger sans le savoir. Lorsqu’une personne vous paraît étrange, introvertie, prompte à s’isoler, ayant des centres d’intérêt différents de la norme, n’aimant pas les bars, la plage, la foule, s’exprimant de façon crue et directe, s’il-vous-plaît envisagez que cette personne est probablement autiste, et qu’elle fait tout ce qu’elle peut pour être intégrée et comprise.

Merci Anne pour ce témoignage et ce complément d’information. Vous êtes également concerné et souhaitez réagir ? La parole est à vous sur nos réseaux sociaux !

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