Il y a quelques mois, l’association Autour des Williams, association française de parents d’enfants porteurs du syndrome de Williams et Beuren, a réalisé un rapport sur la précarité des femmes, mères d’enfants en situation de handicap. Aujourd’hui, nous retrouvons l’association par l’intermédiaire de son président, François de Oliveira, pour en savoir plus sur son rôle de père-aidant.

Bonjour François, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle François. Mariés à l’âge de 30 ans, ma femme et moi avons élu domicile dans la belle région de Normandie. Je suis Chercheur, un des plus beaux métiers. C’est une vocation. J’avais décidé de le devenir à l’âge de 10 ans. Ne le dites à personne, je suis prêt à payer pour travailler ! Je suis le papa de trois enfants adorables dont Thomas, l’ainé et porteur du syndrome de Williams et Beuren. Il est aujourd’hui âgé de 20 ans.

J’ai toujours été sensible aux autres, surtout aux plus faibles, aux enfants, aux malades, aux malheureux dans la rue, aux migrants. La liste est longue malheureusement. J’ai assisté à tous les Téléthons, et contribué, depuis le premier, avec une grande sympathie pour les familles et les bénévoles. J’avais un grand espoir pour elles. La Recherche pouvait faire des miracles. Nous étions en train de vivre une révolution scientifique. Je n’imaginais pas que je serai un jour directement concerné par l’émission.

Comment avez-vous vécu l’annonce du diagnostic ?

Pendant « notre » première grossesse, je n’ai pas pensé à cette possibilité. Un an avant, j’avais lu un article sur le syndrome de Williams et Beuren, une maladie génétique rare. Je n’avais pas aimé cet article. Je n’aimais pas la façon dont ils traitaient le sujet. En effet, il parlait des personnes comme des objets. J’ai retenu cette anecdote à cause de l’histoire des elfes que l’on associe parfois à ce syndrome.

Thomas est né. Ça n’allait pas. Nous avons connu 3 mois d’errance médicale. Nous avions, en moyenne, deux rendez-vous par semaine. Il a même fait le test de la mucoviscidose. Je connaissais parfaitement la maladie. Pendant l’attente des résultats du test, je me suis promis que j’aiderai les familles jusqu’à la fin de ma vie.

Nous avons vécu très mal vécu l’annonce de la maladie. Je ne veux pas écrire ce qu’il s’est passé dans le cabinet de la généticienne, j’ai encore honte pour elle, cela déshonorerait la profession. C’était le syndrome de Williams et Beuren ! La généticienne était heureuse, on avait tiré le ticket gagnant, grande joie, il y a pire comme maladie ! Que d’ironie ! Mortel ou pas à long terme, nous ne savions pas. Ma femme et moi ne comprenions pas. Trente minutes plus tard on était dehors, on s’est regardé, « pince-moi ! ».

La généticienne nous avait conseillé de ne pas en parler : « Gardez-le pour vous, il n’y a rien à faire, cachez-le à votre famille, à vos amis, à tout le monde ». Dix minutes plus tard nous étions en larmes à la crèche, et on « crachait le morceau ». Quelle vie aurions-nous eu si nous avions gardé cela pour nous ? Nous n’avons plus jamais revu la généticienne.

Quelque temps plus tard on créait une association, Autour des Williams, pour regrouper les forces, pour soutenir les familles et la Recherche. C’est l’aventure d’une vie, avec des rencontres incroyables, des fêtes, des pleurs, des moments inoubliables. Je n’en reviens toujours pas ! Les difficultés ne nous empêchent pas de profiter de la vie. La vie est belle !

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle de père-aidant ?

J’avoue, je suis papa poule. Quel bonheur d’être avec mes enfants ! J’ai voulu partager, équitablement avec ma femme, toutes les tâches domestiques, et rester aussi souvent que possible avec mes enfants. Cela aurait été vrai sans le syndrome. C’est devenu indispensable avec. En effet, la charge globale, mentale et physique, augmentant avec la présence de l’enfant handicapé, dépassant ce qu’une personne seule peut supporter, il arrive souvent qu’un parent soit obligé de s’arrêter de travailler.

Par ailleurs, nous voulions stimuler notre enfant autant que possible, surtout dans les premières années de sa vie. Personne n’allait faire ça à notre place. Cependant, malgré mon soutien, ma femme a été obligé de travailler à 80 % pendant quelques années. Cela aurait pu être moi, mais à cette époque j’avais le salaire le plus élevé. Je suis convaincu que cette présence renforcée de la mère auprès de nos enfants a créé une asymétrie dans les relations parents-enfants. Malgré mon fort investissement auprès de mes enfants, une différence s’est installée, pour toujours, dans nos relations.

Quelle est votre gestion au quotidien ?

Concernant mon rôle de père-aidant, cela peut paraître évident, mais cela consiste déjà à prendre en charge la moitié des tâches domestiques. Concernant le handicap de notre fils, les autres tâches ne manquent pas : soins, transport, nourriture, devoirs scolaires, paperasserie, examens médicaux, sport, stimulations, jeux, association, etc. Dans mon couple, je pense que nous avons partagé assez équitablement toutes ces tâches. Il faudrait demander à ma femme !

Je voudrais partager avec vous une petite anecdote. Notre bébé ne mangeait que si on lui chantait une petite chanson. C’est un des symptômes du syndrome, une grande sensibilité pour la musique. Comme il buvait son biberon très lentement, cela pouvait prendre des heures. Je me suis donc mis à apprendre par cœur tout le répertoire français des chansons enfantines. J’aurais pu participer à l’émission « N’oubliez pas les paroles » version bébé, j’aurais été champion.

Dans notre association, Autour des Williams, nous diffusons régulièrement de la documentation aux parents. J’ai été troublé de constater que 95 % des demandes d’information provenaient de mères. Il me semble étrange que très peu de pères s’occupent de demander des informations concernant leur enfant handicapé. Je ne sais pas pourquoi. Un effet culturel ? Un partage des rôles ? Un manque d’intérêt ? Je ne jette pas la pierre, je m’interroge.

Être aidant implique une grande responsabilité au quotidien autant sur la vie personnelle que professionnelle. Quelles sont les richesses, mais aussi les difficultés que vous rencontrez ? Comment conciliez-vous les deux ?

Être une parent aidant apporte de nombreuses récompenses. Les sourires de mes enfants me payent largement. Les petits progrès sont comme des montagnes que l’on réussit à gravir. C’est aussi le meilleur moyen de rencontrer d’autres familles aidantes, et d’autres jeunes en situation de handicap. Ce sont de très belles personnes. Il m’est arrivé de nombreuses fois de me sentir chanceux d’être parmi elles.

Le côté négatif c’est qu’il n’y a que 24 heures par jour. Si on décide de consacrer beaucoup de temps et d’énergie à son enfant pour qu’il puisse simplement vivre un peu comme les autres, on vous plaint, on ne vous comprend pas, on vous laisse tomber. C’est un peu comme un investissement à fond perdu. C’est caricatural, mais c’est aussi vrai. J’aurais aimé qu’on me donne plus de temps pour m’occuper de mon enfant et de ma famille. J’aurais aimé qu’on m’aide au travail pour compenser le temps que je n’avais plus. Nous avons concilié les deux aspects en travaillant tous les soirs, tous les jours et toutes les vacances. J’ai la chance d’avoir un travail exceptionnel. Je travaille pour le plaisir, donc pas de soucis.

Les aidants familiaux sont peu visibles dans le monde du travail. Quelle vision portez-vous sur le statut d’aidant dans le milieu professionnel ? Est-ce un sujet tabou ? Avez-vous eu l’espace d’en parler ?

Dès l’annonce de la maladie j’en ai parlé à mes collègues. Je me suis heurté à un mur de communication. C’est peut-être très masculin, mais on ne doit pas parler de ça. Au mieux, c’était de l’incompréhension. Je parlais de maladie génétique, on me répondait par des histoires de petits bobos. Notre bébé dormait mal, très mal, c’est un des symptômes du syndrome. Pendant plusieurs mois nous avons été obligés d’organiser des quarts à la maison. Trois heures de sommeil, trois heures de garde.

Je peux témoigner qu’il est possible de survivre plusieurs mois en ne dormant que quelques heures par jour. Impossible de dire que cela n’avait pas d’impact sur nos vies professionnelles. J’ai essayé de rendre ça aussi discret que possible. Mes collègues n’ont jamais su, mais n’en pensaient pas moins. De plus, j’avais décidé de m’investir dans ma cellule familiale. Beaucoup d’hommes qui réussissent dans leur travail partagent leur vie avec une personne qui gère absolument tous les dossiers lié à l’organisation de la maison et à l’équilibre familial et qui le font avec talent. Nous n’avons pas fait ce choix de vie.

Les aidants ont-ils aussi besoin d’aide ? Si oui, quelles pistes pour améliorer leur quotidien ? Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ? Des entreprises ?

Nous avons reçu une aide financière pour l’éducation de notre enfant. Nous avons reçu l’aide de spécialistes. En France il y a des moyens, et Fraternité n’est pas un vain mot, merci infiniment.

Cependant, j’aurais aimé avoir plus de temps pour aider mon enfant et pour moi. J’aimerais qu’on propose aux aidants la possibilité de passer à un travail à 80 % sans perte de salaire. C’est un droit « normal » pour les soulager, en solidarité, pour les aider par exemple dans la gestion des rendez-vous et rétablir un équilibre entre l’homme et la femme.

J’aimerais que les aidants puissent bénéficier d’une retraite anticipée. Non pas parce que je n’aime pas mon travail, mais parce qu’une nuit passée éveillée coûte double.

 

Merci François de nous avoir livré ce témoignage précieux sur le rôle de père-aidant !

Vous souhaitez en savoir plus sur le Syndrome de Williams et Beuren ? Rendez-vous sur le site web de l’association « Autour des Williams » et régulièrement sur Talentéo !

crédit photo : ©Andrane de Barry

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